Problématique
Ce projet de recherche visait à améliorer notre compréhension de la dynamique et du régime de perturbations des sapinières à bouleau blanc dans un contexte où les densités élevées d’orignaux génèrent un degré de perturbation additionnel aux autres perturbations naturelles et anthropiques. Puisque cette situation risque de poser un défi supplémentaire à la mise en oeuvre d’une stratégie de sylviculture intensive dans un contexte écosystémique, nous nous sommes interrogés sur le rôle de l’orignal en tant que perturbation chronique, notamment en début de succession, susceptible de réduire la résilience des forêts. Au cours de 4 dernières années, nous avons étudié les relations orignaux-forêts afin d’appuyer les prises de décisions en matière d’aménagement forestier intégré.
Objectifs
Les objectifs du projet étaient de: 1) établir les relations entre le succès d’établissement et de croissance de la régénération naturelle et artificielle des sapinières à bouleau blanc et à bouleau jaune de l’Est et le niveau de perturbation engendré par les orignaux en interaction avec l’aménagement forestier; 2) déterminer les seuils critiques d’altération des sapinières, en termes d’abondance des grands herbivores, qu’on ne peut dépasser sans affecter de manière difficilement réversible la composition, la structure et les patrons de succession des peuplements forestiers; et 3) évaluer différentes modalités de traitements sylvicoles pour atténuer l’impact des orignaux sur les sapinières.
Résultats obtenus
Notre approche méthodologique comportait un premier volet portant sur l’analyse des données rétrospectives des populations d’orignaux et de l’habitat forestier. Il s’agit d’un premier effort d’analyse conjointe de la distribution spatiale des orignaux déterminée lors d’inventaires aériens avec les données écoforestières des programmes d’inventaires écoforestiers (SIFORT). Nos analyses montrent qu’il existe un lien entre les densités d’orignaux, leur évolution dans le temps et les changements de l’habitat survenus au cours des 30 dernières années, mais que ces relations comportent beaucoup de variabilités non expliquées. Des analyses en cours permettront d’améliorer la variabilité expliquée par nos modèles en intégrant des variables relatives à l’accessibilité au territoire et au climat.
Un second volet prospectif misait sur l’établissement d’un dispositif expérimental d’envergure permettant de comparer la régénération et la composition initiale des sapinières le long d’un gradient de perturbation allant de la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS) sans broutement jusqu’au déblaiement suivi de plantations d’épinette blanche sous de forte densités d’orignaux. Le dispositif est composé d’un réseau de 20 exclos (400 m² chacun) permettant d’exclure les orignaux et ainsi d’établir des après coupe ou plantation et de les comparer à des parcelles appariées de même dimension soumises à différentes intensités de broutement.
Le réseau d’exclos est distribué dans 3 territoires fauniques adjacents de l’Est du Québec soit les Réserves fauniques de Matane et des Chic-Chocs ainsi que la ZEC Casault à Causapscal. Ces territoires ont la particularité de présenter des densités d’orignaux contrastées notamment en raison des modalités de gestion de la chasse sportive. La densité d’orignaux était estimé à 4,8 ± 0,7 orignaux/km² en 2007 et à 3,3 ± 0,3 orignaux/km² en 2012 dans la Réserves fauniques de Matane, à 1,1 orignal/ km² dans la Réserve faunique des Chic-Chocs en 2010 et à ~0,8 orignal/km² en 2012 dans la ZEC Casault.
Nous nous sommes intéressés à la composition la structure et la diversité du parterre forestier sous différentes pressions de broutement par l’orignal et de traitements sylvicoles au stade précoce de la succession forestière. Nous avons émis hypothèse que le broutement sélectif par l’orignal peu de temps après une coupe forestière affecte la composition et la structure végétale des espèces consommées. De 3 à 4 années après la coupe et l’exclusion de l’orignal, nous ne détectons pas encore d’effet de la densité sur la composition par contre, la densité des gaules de feuillus intolérants à l’ombre tend à augmenter plus rapidement dans les exclos de la ZEC Casault que dans ceux de Matane. De plus, la hauteur maximale des tiges de feuillus intolérants est plus élevée dans les exclos. Nous ne pouvons pas encore détecter un effet des fortes densités sur la réserve faunique de Matane, mais les données pour 9 exclos sur 16 suggèrent un ralentissement, voire une troncation de la hauteur des feuillus intolérants après 4 ans dans des parcelles accessibles à l’orignal.
Retombées escomptées
Nos résultats montrent que le rajeunissement des forêts au cours des 30 dernières années a favorisé l’augmentation des populations d’orignaux, en parallèle avec l’application de modalités de chasse favorisant la protection des femelles. Dans les régions où la densité d’orignal est élevée, comme à la Réserve faunique de Matane, le broutement par l’orignal tend à modifier la structure et potentiellement les relations compétitives entre les conifères et les feuillus. À ce stade précoce de la succession, l’intensité des traitements sylvicoles constitue le principal facteur qui contribue à expliquer les modifications dans la biodiversité des plantes du parterre forestier mais il n’est pas exclu que les effets directs (mortalité, réduction de croissance) et indirects (modification des relations compétitive) de l’orignal entre en interaction avec ce facteur. En plus de contribuer à situer le rôle l’orignal dans le régime de perturbation des sapinières de l’Est du Québec, ce programme de recherche a permis la formation de 3 stagiaires du niveau collégial, 7 étudiants au baccalauréat, 2 étudiantes internes internationales, 1 étudiant au doctorat et 2 stagiaires postdoctoraux.
Chercheur responsable
Jean-Pierre Tremblay, Université Laval
Équipe de recherche
- Dominique Arseneault
- Louis Bélanger
- Martin Barrette
- Serge Couturier
- Sébastien Lefort
Durée
2010-2013
Montant
214 522 $
Partenaires financiers
- Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs
Appel de propositions
Aménagement et environnement forestiers – IV (1er concours)