Dans le sud du Québec, les milieux humides subissent des pressions croissantes, notamment par l’agriculture, le développement péri-urbain et l’exploitation de la sphaigne pour l’horticulture. Les confrontations entre d’un côté la protection des milieux humides et de l’eau souterraine, et de l’autre l’exploitation et le développement des ressources sont de plus en plus fréquents. Ces conflits sont exacerbés par le fait qu’on connait encore très peu comment les eaux souterraines sont connectés aux tourbières. On sait, toutefois, que dans les régions où les tourbières sont abondantes, elles jouent souvent un rôle important dans l’hydrologie des bassins versants.

L’eau souterraine circule dans des formations géologiques qui sont appelées « aquifères ». Cette eau souterraine se déplace très lentement, souvent sur de très longues distances, avant de revenir à la surface dans les lacs, les rivières, les océans et les milieux humides. L’écoulement de l’eau souterraine dépend essentiellement de la géologie, de la topographie et du climat. Lorsque l’eau souterraine rejoint la surface, par exemple dans un milieu humide, elle contient souvent beaucoup d’éléments en solutions, résultat de son contact prolongé avec la roche. La chimie de l’eau est donc un excellent indicateur de la présence d’eau souterraine dans un milieu humide. Cette eau apporte d’ailleurs les éléments nutritifs dont ont besoin plusieurs espèces végétales. Ces espèces deviennent ainsi des indicateurs de l’apport d’eau souterraine à un milieu humide.

Le but de ce projet était de mieux comprendre les connexions entre aquifère et tourbière afin de trouver des indicateurs chimiques et des espèces végétales qui permettent d’identifier facilement les tourbières qui sont connectées aux eaux souterraines. Pour atteindre ce but, douze profils d’eau souterraine-tourbière ont été instrumentés et étudiés dans neuf tourbières de 2010 et 2011, dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue et dans la région du Centre-du-Québec. La géologie des sites, les niveaux d’eau et les différences de niveaux d’un point à l’autre dans les tourbières pendant six mois, la chimie de l’eau dans les tourbières à différentes périodes de l’année, de même que les espèces végétales présentes sur les sites ont été identifiés et mesurés.

Les résultats ont permis de montrer que, dans la majorité des cas, l’eau souterraine alimente la tourbière. Les tourbières qui sont situées sur une pente, comme le flanc des eskers en Abitibi-Témiscamingue, et les tourbières qui sont situées dans des dépressions, comme celles du Centre-du-Québec, sont toutefois connectées différemment aux eaux souterraines. Les tourbières de flanc reçoivent de l’eau souterraine qui coule par la suite vers le centre de la tourbière. Dans les tourbières de dépression, l’eau souterraine n’atteint la plupart du temps que les premiers 100-200 m dans le milieu humide. Cette eau souterraine est ensuite redirigée par la topographie du site vers l’exutoire de la tourbière. Les résultats de l’étude ont également montré que la présence du sable en bordure de la tourbière et sous celle-ci joue un rôle important dans la direction qu’emprunte  l’eau souterraine une fois dans la tourbière.

Le projet a aussi mis en évidence un indicateur de la chimie de l’eau qui permet d’identifier si l’eau de la tourbière provient de l’eau souterraine de la région. Cet indicateur est la matière dissoute dans l’eau, une mesure facile à réaliser à peu de frais sur le terrain ou en laboratoire.

Un échantillon d’eau qui aurait un contenu en matière dissoute supérieur à 14 mg/l montre qu’à cet endroit, il y a présence d’eau souterraine. Les relevés de végétation ont permis d’identifier des espèces et des groupes d’espèces végétales qui se retrouvent en présence de cette eau souterraine minéralisée. L’observation sur le terrain de ces espèces serait alors la première indication de la présence d’eau souterraine à un endroit donné dans la tourbière. Si le contenu en matière dissoute d’un échantillon d’eau prélevé à cet endroit excède le critère de 14 mg/l, il y aurait une forte indication d’un apport d’eau souterraine. Dans ce cas, une analyse du contexte géologique et topographique dans lequel se trouve la tourbière devrait être faite pour confirmer le sens des écoulements.

Les résultats de cette recherche devront être confirmés sur d’autres tourbières, ce qui fera l’objet d’un autre projet. Néanmoins, un guide de caractérisation des échanges eaux souterraines-tourbières est déjà en cours de rédaction. Des cas-types de différents contextes dans lesquels des échanges d’eau souterraine-tourbière peuvent avoir lieu seront décrits dans ce guide, qui se veut un outil pratique pour les intervenants en gestion des milieux humides et de l’eau souterraine. Il sera basé sur une description claire et simple des étapes à suivre pour identifier les échanges, de même que des planches couleurs pour illustrer les espèces végétales et les cas-types recherchés.

Chercheure responsable

Marie Larocque, Université du Québec à Montréal

Équipe de recherche

  • Vincent Cloutier (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue)
  • Caludio Paniconi (Institut national de la recherche scientifique)
  • Stéphane Pellerin (Université de Montréal)

Durée

2010-2013

Montant

225 001 $

Partenaire financier

  • Ministère des Ressources naturelles et de la Faune

Appel de propositions

Eaux souterraines