Plusieurs facteurs ont une incidence sur l’impact environnemental d’un produit, de l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication jusqu’à la gestion de sa fin de vie. L’écoconception cherche à en tenir compte, mais doit composer avec le fait que chaque changement à un élément peut avoir des effets sur d’autres dimensions d’un même produit.

Sophie Bernard, chercheuse en sciences économiques à Polytechnique Montréal, a étudié de près ces « dimensions croisées », avec un modèle basé sur la théorie des jeux. Cette approche mathématique permet d’analyser des scénarios où les décisions des individus ont des impacts interreliés. La chercheuse a mis en scène une société qui doit fabriquer un produit en choisissant entre trois variables à améliorer. Elle peut agir pour amoindrir la pollution générée lors de la production, celle provoquée par l’utilisation, ou encore pour allonger la durée de vie du produit.

Cet exercice se complique en raison des politiques gouvernementales qui, très souvent, ne ciblent qu’un seul aspect polluant. Par exemple, le programme de responsabilité élargie des producteurs (REP) sur les emballages incite les entreprises à réduire le poids de ceux-ci. Cependant, cette diminution peut causer des pertes alimentaires si le nouveau contenant protège moins bien les produits.

Le modèle utilisé permet d’analyser les nombreuses combinaisons et leur impact sur l’entreprise et sur l’environnement. La chercheuse conclut que les politiques publiques jouent un rôle important dans les décisions en matière de conception. En effet, si elles n’imposent pas la même pression sur l’ensemble des dimensions, on risque de perdre à une étape de la vie d’un produit les gains environnementaux obtenus à une autre. Par exemple, cela risque de se produire si on taxe l’énergie utilisée pour fabriquer un bien, mais pas celle qui sera nécessaire à son utilisation.

Cette recherche ouvre des pistes à explorer pour élaborer des politiques publiques qui joueraient plus efficacement leur rôle en tenant davantage compte des dimensions croisées de l’écoconception.