Au Canada, un lac d’une superficie d’un kilomètre carré émettrait en une seule journée autant de gaz à effet de serre (GES) qu’une automobile qui fait l’aller-retour Montréal-Vancouver. Une donnée qui a de quoi faire sourciller, compte tenu du fait que le pays compte près d’un million de lacs !
Les lacs sont d’importantes sources de GES pour l’atmosphère, car ils reçoivent toute la matière organique lessivée des terres, devenant alors une « infusion » qui émet principalement du gaz carbonique (CO2) et du méthane (CH4).
Ce processus naturel existe depuis toujours et ne constitue pas un problème en soi. Cependant, les scientifiques, comme ceux de l’équipe d’Yves Prairie, professeur et chercheur au Département des sciences biologiques de l’UQAM, aimeraient comprendre comment les émissions de GES lacustres sont influencées par les changements climatiques et quel en sera l’impact sur le bilan total des GES pour le Québec, le Canada et toute autre région du monde.
L’été, il y a naturellement très peu d’échanges gazeux entre la couche d’eau chaude qui se forme à la surface des lacs et celle, plus froide, qui se trouve en profondeur. Les changements climatiques font en sorte que cette stratification restera en place plus longtemps, avec un impact probable sur les émissions de gaz. Si cette situation avantage les bactéries consommatrices de méthane, les lacs émettront moins de ce gaz très polluant. Mais elle pourrait également favoriser les bactéries productrices de méthane… Autrement dit, si le Canada arrive à réduire ses émissions anthropiques de 20 % mais que les lacs libèrent 20 % plus de gaz, pour finir, le pays ne réduira pas son bilan carbone.
Yves Prairie et ses collègues souhaitent donc modéliser les processus qui contrôlent les GES lacustres, afin de mieux évaluer le rôle des lacs et de pouvoir alimenter les modèles climatiques globaux. De concert avec des collaborateurs suédois, ils ont développé à partir de leurs données de nouveaux modèles de GES qu’ils font tourner sur les quelque cinq millions de lacs du monde entier, pour estimer la production actuelle de GES de ces étendues d’eau et les fluctuations selon les projections climatiques. Actuellement, ils arrivent à bien expliquer les variations de CO2. Pour ce qui est du méthane, ils soupçonnent que les températures plus chaudes favoriseront davantage les bactéries productrices de méthane que les bactéries consommatrices de ce gaz, mais cela reste à confirmer.