Chercheuse : 
Arseli, Dokumaci

Établissement : 
Université Concordia

Année de concours : 
2021-2022

La crise de la COVID-19 a introduit dans la vie de la population des problèmes auxquels font face depuis longtemps les personnes en situation de handicap: accès refusé à des lieux publics, mouvements restreints, gestion de mesures sanitaires, sentiment de solitude, précarité et autres. La réalité des personnes en situation de handicap est soudain devenue la réalité de tous. À l’ère de l’Anthropocène, où les ressources de la planète diminuent rapidement, d’autres crises mondiales sont à prévoir, ce qui renforce l’urgence de trouver des « façons de vivre sur une planète endommagée ». En m’appuyant sur les travaux d’études et le militantisme en faveur des personnes en situation de handicap, je soutiens que ces personnes ont beaucoup à apprendre au reste du monde, puisqu’elles maîtrisent depuis longtemps l’art de vivre dans des environnements de plus en plus petits offrant moins de perspectives d’action. Je pose les questions suivantes: Pourquoi ne pas demander aux personnes en situation de handicap de nous expliquer comment vivre avec une quantité limitée de ressources ? Comment les communautés en situation de handicap tissent-elles des liens et continuent-elles de prospérer contre toute attente ? Comment pouvons-nous utiliser leurs techniques de survie pour orienter la reconstruction de nos sociétés dans un contexte de pandémie et de catastrophe climatique ?

Depuis longtemps, les personnes en situation de handicap doivent faire preuve de débrouillardise pour bâtir le monde accessible que la société néglige de leur offrir. Les personnes handicapées et les militants pour les droits des personnes handicapées créent des accès collectifs et des coopératives de soins afin de répondre à leurs besoins non comblés. Ils improvisent des possibilités d’action à partir de ce qu’ils perçoivent et développent une technoscience de l’invalidité qui bouleverse le design normatif. Ce vaste corpus de connaissances est extrêmement pertinent pour répondre aux besoins de notre monde radicalement changé. Et pourtant, très peu de recherche a été faite pour analyser systématiquement la pertinence des techniques de survie et de la créativité des personnes en situation de handicap en fonction des nouvelles conditions de vie de l’Anthropocène. Mon projet vise précisément à combler cette lacune. En suivant un procédé ethnographique visuel communautaire novateur, je vais recueillir, analyser et partager les techniques de survie et l’expertise des personnes en situation de handicap et chercherai à les appliquer aux conditions de vie durant une catastrophe climatique.

Mon projet offrira une piste d’action attendue depuis longtemps pour la justice environnementale et la recherche sur l’Anthropocène, et d’éclairer d’autres disciplines, comme le design, l’urbanisme et les sciences humaines de l’environnement. Les données recueillies seront une source unique que les responsables de l’élaboration des politiques, les secteurs à but lucratif et sans but lucratif et d’autres intervenants pourront utiliser pour adapter leurs activités dans le contexte de la pandémie. Ce projet éveillera le public à la réalité des personnes en situation de handicap en faisant voir leurs handicaps autrement que comme des défauts ou des tragédies et en présentant ces personnes comme des experts et des créateurs à part entière.