Responsable : 
Joel Bothello

Établissement : 
Université Concordia

Année de concours : 
2020-2021

Table des matières

  1. Résumé du projet

1. Résumé du projet

L’économie moderne se caractérise par l’autonomie et la flexibilité (Matos et Galinsky, 2012, 2014), par opposition aux horaires « 9-à-5 » et aux emplois à temps plein des décennies précédentes (Cappelli et Keller, 2013). Malgré toute la rhétorique autour de l’émancipation du travail, il existe néanmoins des inconvénients considérables pour les travailleurs qui deviennent responsables de leur propre productivité (Gregg, 2018). En conséquence, le travail est devenu plus intense (McCann, Morris et Hassard, 2008 ; Robinson et Martin, 2009) et les travailleurs recherchant constamment de nouveaux moyens d’accroître leur productivité. Par exemple, la gestion du temps (Aeon et Aguinis, 2017), les technologie mobiles (Mazmanian, Orlikowski et Yates, 2013) et les services permettant de gagner du temps (Bellezza, Paharia et Keinan, 2017), tels que GoodFood (livraison de kits repas) sont devenus plus courants car ils permettent aux individus d’accomplir plus de tâches en moins de temps.

En outre, l’accent mis sur l’optimisation de la productivité a pris ces dernières années une dimension plus biologique. Une des dernières avancées en matière d’optimisation biologique au cours des dernières années est la consommation de drogues améliorant la performance sur le lieu de travail (Leon, Harms et Gilmer, 2018). Le microdosage, en particulier, est devenu populaire. C’est une pratique qui consiste à ingérer de petites quantités de drogues psychédéliques telles que le LSD et la psilocybine (Sweat, Bates et Hendricks, 2016). Conformément aux tendances sociales actuelles visant à accroître l’efficacité personnelle, l’objectif principal du microdosage est d’accroître la productivité, la créativité et la concentration (Carhart-Harris & Nutt, 2017).

Malgré la couverture médiatique massive, les communautés en ligne et les best-sellers sur le sujet (Polito et Stevenson, 2019), la recherche sur le microdosage reste presque inexistante (Johnstad, 2018 ; Swanson, 2018). En conséquence, notre projet propose de se pencher sur l’expérience vécue des personnes pratiquant le microdosage à des fins professionnelles. En effet, en raison de sa nature stigmatisée et de son objectif orienté productivité (plutôt que récréatif), le phénomène du microdosage peut contribuer de manière substantielle à deux domaines de recherche : la légitimité et l’auto-optimisation (Cederström & Spicer, 2015). En particulier, cette étude vise à comprendre comment, en faisant référence à la productivité, les participants légitiment l’utilisation de drogues psychédéliques au travail, une pratique qui serait dans d’autres conditions considérée comme hautement illégitime.

De plus, la diffusion du microdosage pourraient poser problème du point de vue social: à mesure que de plus en plus de personnes se tournent vers les psychédéliques pour accroître leur productivité, le microdosage pourrait devenir une exigence de performance, tout comme la gestion du temps personnel, les appareils électroniques et les services permettant de gagner du temps sont devenus nécessaires, sinon quasiment obligatoires, dans le milieu du travail et dans la vie personnelle (Siemoneit, 2019). De ce fait, le microdosage, bien que potentiellement bénéfique pour la productivité, a des conséquences importantes pour l’éthique de la performance sur le lieu de travail, en plus des problèmes concernant la santé des usagers et la légalité de la pratique (d’Angelo, Savulich et Sahakian, 2017).