Responsable : 
Dominique Trudel

Établissement : 
Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

Année de concours : 
2020-2021

Table des matières

  1. Résumé du projet

1. Résumé du projet

Ce projet vise à mieux comprendre les contours de la culture numérique et les bouleversements complexes qui touchent aujourd’hui l’ensemble de la vie sociale, et particulièrement la production et la diffusion du savoir. À cette fin, ce projet propose de revisiter une histoire méconnue de la culture numérique en se penchant sur l’engagement de différents mouvements d’avant-garde français de l’après-guerre avec la cybernétique, une technoscience qui a profondément marqué le paysage intellectuel de l’époque et qui est à la source de nombreuses innovations technologiques, notamment l’invention de l’ordinateur. Alors qu’ils élaboraient leurs différents programmes artistiques et politiques à partir (et parfois à l’encontre) de la cybernétique, les mouvements lettristes et situationnistes et des collectifs tels que Socialisme ou Barbarie et Néo-vision ont proposé des réflexions et initié des pratiques qui préfigurent bon nombre d’éléments qui sont aujourd’hui au cœur de la culture numérique. Par exemple, les nouvelles pratiques de création collective (et parfois automatisée) inaugurées par ces groupes anticipent largement les mouvements pour le logiciel libre, les wikis ou encore les pratiques d’échantillonnage. Il en est de même pour certaines pratiques de « remédiation », c’est-à-dire d’interpénétration de différents médias, qui sont notamment au cœur du projet de construction d’une « Tour Lumière Cybernétique » (Nicolas Schöffer), un projet de mise en circulation de l’information dont les ambitions préfigurent celles de l’Internet et des villes intelligentes.

Alors que la culture numérique est souvent associée aux nouveaux médias et aux nouvelles technologies et comprise à travers des discours sur sa dimension disruptive, ce projet vise plutôt à historiciser son avènement en mettant l’accent sur le rôle des acteurs et des contextes qui ont façonné l’usage des technologies numériques ainsi que les valeurs, fonctions et imaginaires qui leur sont associés. Ce faisant, en plus de contribuer à la compréhension de la culture numérique en proposant une histoire inédite et une nouvelle grammaire de celle-ci, ce projet interdisciplinaire participe à l’avancement des connaissances au sein de trois champs d’études au confluent desquels il se situe, soit 1) la « nouvelle histoire » de la communication, qui depuis quelques années a pour projet d’interroger l’histoire intellectuelle des études portant sur les médias et la communication en mettant l’accent sur la diversité de ses contextes d’émergence et sur la mise en œuvre d’une approche méthodologique historique rigoureuse ; 2) l’histoire de la cybernétique (souvent rattachée à l’histoire des sciences et aux Science and Technology Studies), et notamment aux efforts récents visant à interroger des histoires marginales ou locales de celle-ci ; 3) l’histoire des avant-gardes (un objet de l’histoire de l’art et des études littéraires), qui s’est très peu intéressée au rôle de la cybernétique au sein des mouvements français de l’après-guerre.

Le projet s’articule autour d’une ambitieuse recherche archivistique déjà très avancée et combine une approche méthodologique historique traditionnelle rigoureuse (identification et dépouillement d’un corpus, analyse critique des sources primaires et secondaires, etc.) à des méthodes héritées du champ des humanités numériques (création d’une archive numérique, utilisation d’outils de visualisation interactifs, etc.).