Chercheuse : 
Pache, Stéphanie

Établissement : 
Université du Québec à Montréal (UQAM)

Année de concours : 
2021-2022

Ce projet vise à comprendre le processus socio-historique qui sous-tend les conditions d’émergence de programmes de prévention des violences sexistes et la façon dont ces programmes traduisent une certaine conception des violences sexistes trop souvent dégagée du contexte social qui les rend possibles. En Amérique du Nord, la plupart des politiques institutionnelles développées en matière de violences sexistes ont concerné le domaine judiciaire (par ex. prise en charge médico-légale des victimes, programme psycho-éducatifs visant la prévention de la récidive des violences commises). La recherche proposée se concentre elle sur les initiatives de prévention des violences sexistes : chercheur·e·s, éducatrices·eurs, travailleuses·eurs sociaux et psychologues ont en effet créé des programmes inspirés par des savoirs psychologiques destinés à être dispensés sur les lieux de formation ou de travail, pour prévenir la survenue des violences sexistes par l’apprentissage de techniques de communication et de connaissances sociologiques et psychologiques. Cette recherche a pour objet ce projet de prévention et analysera deux initiatives au Québec et au Canada ayant cet objectif, reformulé sous l’expression plus positive de la « promotion des relations saines ».

La reconnaissance par les pouvoirs publics des violences envers les femmes est la conséquence des mobilisations féministes. Ces mouvements ont montré que les violences sexuelles et conjugales ne sont pas un phénomène individuel, mais agissent comme un instrument du contrôle social des femmes. Le présent projet veut donc explorer l’apparent paradoxe suivant : le développement de politiques publiques en matière de violences sexistes repose sur la reconnaissance de ces violences comme étant un problème public d’importance, selon la critique qu’en ont fait les féministes. Mais l’expertise reconnue par les pouvoirs publics sur ces questions, les personnes auditionnées et mandatées pour développer ces programmes sont le plus souvent issues du domaine psychologique, c’est-à-dire d’une discipline où ne domine pas l’analyse sociologique des violences proposée par les féministes. En adoptant la perspective des études sociales et féministes des sciences et de la santé, nous analyserons les programmes de prévention des violences sexistes comme le lieu de déploiement d’une expertise féministe et psychologique des violences sexistes, produit d’un conflit d’expertises. Notre analyse permettra de clarifier les modalités d’élaboration, la mise en application, et les effets attendus du projet de prévention des violences en le considérant comme une « mosaïque », c’est-à-dire composé par des actrices et acteurs aux expertises diverses et aux objectifs plus ou moins convergents.