Chercheuse : 
Grimard, Carolyne

Établissement : 
Université de Montréal

Année de concours : 
2021-2022

Lorsque l’on s’intéresse au vivre-ensemble dans les sociétés contemporaines occidentales, force est de constater que l’itinérance remet en question certaines attentes sociales autant envers les individus (aller à l’école, travailler, avoir un domicile), qu’envers l’usage des espaces publics (les trottoirs sont des lieux de transit et de circulation, les parcs sont des aires de jeux pour les touts-petits, etc.) (Bellot 2005; Castel, 1995). Souvent considérées comme des populations nuisibles, les personnes en situation d’itinérance (PSI) sont aussi perçues comme ayant des effets négatifs sur les activités commerciales et touristiques de villes (Cloke et al., 2000; Cresswell, 1996; Gibson, 2005; Parazelli, 2013; Mitchell, 2003). L’architecture, comprise comme étant l’ensemble des gestes d’aménagement de l’espace qui soutiennent le fonctionnement et l’organisation d’une ville, est influencée autant par des intérêts privés (investisseurs, promoteurs immobiliers), que par des intérêts publics (administrateurs des villes, organismes communautaires, société civile) (Architecture sans frontières Québec). Elle concerne par ailleurs toutes les populations qui cohabitent dans un espace donné. Or l’architecture laisse parfois de côté des populations pour des raisons esthétiques, géographiques ou encore financière. Dans cette lignée, des recherches ont montré comment l’architecture, peut agir comme un acteur à part entière pour cacher et disloquer la présence des personnes sans-abri, au sein des villes notamment des zones touristiques ou de consommation (Amster, 2003). Sachant que les gestionnaires de villes ont des intérêts économiques, technologiques et fiscaux dans l’aménagement du tissu urbain, est-ce à eux d’en déterminer ses formes ?

Le vivre-ensemble est ainsi traversé autant par des enjeux sociaux (populations), que des enjeux architecturaux (gestes d’aménagement), les uns influençant les autres. Ce sont justement ces influences qui nous intéressent et qui seront l’objet de cette présente recherche. Comment les PSI transforment-elles l’aménagement urbain pour y habiter et s’y sentir « bien » ou encore pour répondre à leurs besoins ? Et comment cet aménagement urbain les influence dans leur façon d’habiter la ville ?

Il s’agira donc d’analyser le rapport entre l’architecture et une population perçue comme indésirable, au moyen d’observations directes, au travers une étude photographique (Didi-Huberman, 2011) des usages (formels et informels) par les PSI d’espaces publics à Montréal et à Québec, ainsi qu’à l’aide d’entretiens qualitatifs auprès de PSI. Utilisant un cadre d’analyse multidisciplinaire, ce cadre permet d’une part, de mettre en lumière « comment les inégalités et le pouvoir sont amplifiés et canalisés par les processus spatiaux » (Walby & Lippert, 2012, p. 1018). D’autre part, il permettra de révéler les rapports subjectifs, affectifs, imaginaires et émotionnels qu’entretiennent les PSI à leur environnement quotidien, notamment la ville. Les objectifs seront : 1) de mieux comprendre le rôle et la place de l’architecture dans les processus de «l’habité» des personnes sans-abri et les rapports de pouvoir dont elles font l’objet; 2) d’explorer et de mettre au jour comment ces dernières habitent la ville, l’influence, se font influencer par elle. Pour y arriver, nous serons soutenue par notre partenaire de recherche Architecture sans frontières Québec.