Vers la quatrième nature: études pour un jardin semi-vivant

Ce projet de recherche-création propose de faire un jardin de mousses (ou bryophytes) bipolaires (i.e. qui existent dans les deux régions circumpolaires du globe, mais pas entre) dans lequel seront placées des écologies cybernétiques (ou cybryontes, pour cyber-bryophytes-symbiontes) servant de medium aux mousses en leur prodiguant soin et en leur servant d’interface de communication. Nous nous concentrerons sur deux questions de recherche : (1) quel est le futur des bryophytes bipolaires, sur fond de réchauffement climatique ? Et (2) quelles sont les conditions de possibilité concrètes de la production de ce jardin, et plus spécifiquement, de nouvelles formes de symbioses entre les mousses et les systèmes cybernétiques ?

Nous procéderons à partir de deux voyages d’études dans les régions circumpolaires, habitat naturel de ces bryophytes : au nord de la Finlande, en Laponie et au sud du Chili, en Patagonie. Durant ces voyages, nous visiterons les Muséums d’histoire naturelle et les jardins botaniques locaux, et nous entretiendrons avec leurs commissaires et des chercheurs en botanique, écologie et climatologie, mais aussi des artistes et des membres des communautés locales que notre projet pourrait intéresser. Nous effectuerons aussi une résidence dans une station de recherche en biologie de chaque pays : Kilpisjärvi en Finlande, et le Parque Etnobótanico Omora au Chili. À chaque fois, nous y identifierons, observerons et récolterons des échantillons de bryophytes bipolaires, et laisserons sur place un prototype de cybryonte émetteur, qui transmettra des données climatiques et écologiques.

Nous poursuivrons le travail de prototypage à l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) et au Jardin botanique de Montréal, à l’atelier d’artiste de Beatriz Herrera, et au laboratoire de biologie de François-Joseph Lapointe. La production du jardin proprement dit commencera en 2022; il s’agira alors de placer au Jardin botanique de Montréal nos cultures de bryophytes provenant de nos deux ensembles d’échantillons ainsi qu’un prototype de cybryonte récepteur connecté aux deux prototypes laissés sur le terrain. Idéalement, le jardin sera augmenté par une exposition documentant le projet (notes de terrains, explications  scientifiques, témoignages locaux) et présentera en temps réel les données transmises par les prototypes émetteurs (live feed). Le jardin, ou du moins le cybryonte récepteur (ou émulateur), pourrait ensuite faire l’objet d’une exposition itinérante dans d’autres jardins botaniques ou d’autres lieux publics (parcs et autres « espaces verts »). D’autres jardins botaniques (y compris au Chili, en Finlande, mais aussi en France) pourraient aussi participer à cette exposition itinérante.

Recherche-création collaborative entre un sociologue qui est aussi agronome, une artiste intermédiatique, et un biologiste qui est aussi artiste, ce projet vise à produire une esthétique spécifique à travers une forme pratique d’engagement théorique; il alliera réflexion critique et pratique matérielle, dans le jardinage critique. Le plan de diffusion des connaissances transdisciplinaires mobilisera conjointement le mode de communication académique classique (conférences et publications scientifiques) et celui des arts médiatiques, en présence et en ligne. Un site web dédié au projet sera mis en ligne dès l’automne 2021.