La Renaissance italienne est une période faste en productions artistiques diverses. On estime cependant qu’environ 90 % des œuvres réalisées à Venise, à Florence et dans le Nord de l’Italie aux 15e et 16e siècles sont perdues à tout jamais. La plupart de celles qui ont subsisté sont de nature religieuse, ce qui peut fausser notre vision de l’époque.

Dans son livre Playful Pictures: Painting, Leisure, and Entertainment in the Venetian Renaissance Home, Chriscinda Henry, professeure agrégée au Département d’histoire de l’art et d’études en communications de l’Université McGill, défend la thèse selon laquelle, dans l’intimité des foyers, les arts profanes participaient aussi à la construction d’une certaine identité sociale entre les mécènes, les artistes, les comédiens et les courtisanes.

La chercheuse crée entre les œuvres un dialogue qui permet de revisiter les us et coutumes de l’époque.

La scientifique a passé au peigne fin les biens personnels de notables issus des classes aisées de l’Italie de la Renaissance. Ses recherches lui ont permis de recenser diverses descriptions d’œuvres profanes exposées dans les résidences qui reproduisaient surtout des scènes du quotidien et certaines fêtes, souvent dans des contextes de loisir.

Chacun des chapitres de Playful Pictures est d’ailleurs construit autour d’une forme de divertissement, comme la littérature, la musique, le théâtre et le carnaval. La chercheuse compare ensuite chaque divertissement aux tableaux d’artistes de l’époque, tel que Le Concert champêtre de Titien. Ce faisant, elle crée entre les œuvres un dialogue qui permet de revisiter les us et coutumes.

Il ressort de cette analyse que la haute société d’alors avait recours à l’art pour renvoyer, en privé, une image d’elle-même différente de celle de la sphère publique, teintée entre autres par les interdits de l’Église, les attentes de castes ou les interdictions gouvernementales. Tout au long de ses 283 pages, Playful Pictures s’appuie d’ailleurs sur une riche iconographie en couleur pour en faire la démonstration.

L’ouvrage, à paraître vers la fin de 2021 aux prestigieuses presses de la Pennsylvania State University, dresse en ce sens de nombreux parallèles entre cette époque et la nôtre en matière d’art, de culture et de divertissement.