Depuis le début de la pandémie, les cas d’anorexie chez les adolescents ont explosé. Une situation inquiétante lorsqu’on sait que 10 % des anorexiques décèdent de leur condition et qu’il n’y a actuellement aucun médicament pour lutter contre ce trouble alimentaire, notamment parce qu’on connaît mal les mécanismes neuronaux impliqués. Mais la donne pourrait changer : Salah El Mestikawy, chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, affilié à l’Université McGill, et des collègues de l’Université de Western Ontario ont identifié un dérèglement dans le cerveau qui expliquerait certaines formes sévères de l’anorexie, et découvert un traitement potentiel pour le corriger.

Depuis le début de la pandémie, les cas d’anorexie chez les adolescents ont explosé.

Pour communiquer entre eux, les neurones combinent des signaux électriques et l’échange de messagers chimiques appelés neurotransmetteurs. L’acétylcholine est l’un de ces neurotransmetteurs qui joue un rôle important dans le striatum, une structure située au cœur de notre cerveau, chef d’orchestre de notre activité locomotrice, de notre sensibilité à la récompense et de la formation de nos habitudes.

L’équipe de Salah El Mestikawy a observé chez des souris qu’un faible taux d’acétylcholine dans le striatum menait à la formation d’habitudes incontrôlables et dévastatrices comme l’anorexie. Plus particulièrement, les souris deviennent anorexiques lorsqu’elles sont soumises à des conditions stressantes. Dans un environnement normal, sans stress particulier, elles ne développent pas ce problème alimentaire.

Ce dernier résultat montre l’influence de l’environnement sur un cerveau dysfonctionnel. L’étude, qui a ensuite été validée sur des sujets humains grâce à la collaboration de Philip Gorwood, à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, permet donc d’avancer que le confinement du printemps 2020 serait le déclencheur de nombreux cas d’anorexie.

Salah El Mestikawy et son équipe ont ensuite montré chez les souris l’efficacité du médicament Aricept, fréquemment testé dans la maladie d’Alzheimer, pour rétablir les taux d’acétylcholine. Avec Philip Gorwood, ils sont en train d’organiser une première étude pilote avec un petit groupe d’anorexiques pour valider ce traitement chez l’humain. Si les résultats s’avèrent concluants, les médecins disposeront alors du premier traitement pharmacologique pour les formes les plus sévères d’anorexie et, possiblement, pour d’autres troubles mentaux, comme les comportements obsessionnels et compulsifs ou l’addiction.