Seulement 0,02 % des molécules médicamenteuses contenues dans les gouttes oculaires entrent réellement dans l’œil à chaque application. C’est pour cette raison qu’après une chirurgie de la cataracte, par exemple, les patients doivent se mettre quotidiennement des gouttes anti-inflammatoires dans les yeux pendant plusieurs semaines. Les gouttes se heurtent effectivement au film lacrymal, un véritable rempart qui protège l’œil des poussières, du pollen et… des médicaments!
Élodie Boisselier, chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec et professeure à la Faculté de médecine de l’Université Laval1, propose d’utiliser des nanoparticules d’or pour déjouer cette barrière et transporter toute la dose du traitement jusqu’à la cornée ou plus loin dans l’œil.
Elle a montré que, en laboratoire, on peut encapsuler des médicaments dans une petite sphère d’or entourée de polyéthylène glycol. De plus, en stabilisant le métal avec du soufre, les nanoparticules de transport se lient au soufre contenu dans les mucines, des protéines formant une partie du film lacrymal. En se joignant ainsi, les capsules d’or resteraient donc collées à l’œil le temps que le médicament soit absorbé et effectue son travail.
La chercheuse et son équipe ont commencé dernièrement des essais sur des yeux de lapins en post-mortem : elles ont disséqué les différentes parties de l’œil pour analyser la distribution des nanoparticules d’or (sans médicament) à la surface de la cornée, ainsi que la toxicité, la stabilité et l’élimination de ces dernières par le corps humain. Si le tout s’avère concluant, les scientifiques testeront l’efficacité de l’encapsulation, notamment le pourcentage de molécules thérapeutiques qui se rend à destination.
La recette pour créer ces nanocapsules d’or a été brevetée. Selon Élodie Boisselier, il serait même possible d’adapter les propriétés des nanoparticules selon le type de film lacrymal de chaque patient afin d’augmenter leur pouvoir d’adhérer à cette barrière de l’œil.
Il reste évidemment encore les étapes d’essais cliniques sur les animaux et les êtres humains avant de pouvoir espérer se mettre des gouttes d’or dans les yeux! Toutefois, la chercheuse croit qu’on pourra un jour diminuer la fréquence des traitements par gouttes oculaires et, pourquoi pas, remplacer les piqûres dans l’œil requises pour ralentir la progression de la dégénérescence maculaire.
1Élodie Boisselier est également chercheuse membre des regroupements stratégiques FRQNT ou FRQS suivant : PROTEO, le Centre québécois sur les matériaux fonctionnels (CQMF) et le Réseau de recherche en santé de la vision (RRSV).