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Vincent Thibeault
Candidat au doctorat en physique
Université Laval
Publication primée : The low-rank hypothesis of complex systems
Publiée dans : Nature physics
Résumé
Les systèmes complexes, qu’ils soient d’origine technologique, sociologique ou biologique, sont constitués d’un grand nombre d’éléments en interaction dont l’évolution temporelle non linéaire conduit à l’émergence de phénomènes collectifs gouvernant leur fonctionnement global. Par exemple, le cerveau humain contient près de 86 milliards de neurones connectés par 100 000 milliards de synapses et possède une activité électrochimique extrêmement riche. Ces caractéristiques donnent au cerveau la capacité d’accomplir des fonctions essentielles telles que la cognition ou la mémoire, mais elles obscurcissent également la compréhension et la prédiction de comportements anormaux comme les crises d’épilepsie. Un autre exemple est un écosystème constitué d’une multitude de populations animales et végétales en interaction et pour lequel l’extinction d’une espèce peut mener à l’effondrement inattendu de sa biodiversité. Modéliser mathématiquement et numériquement les systèmes complexes pour identifier les mécanismes à l’origine de tels phénomènes représente un défi colossal en raison de la grande quantité de variables à considérer ou autrement dit, à cause de leur haute dimensionnalité. Une pratique courante chez les modélisateurs consiste alors à réduire ce nombre de variables dont l’évolution dans le temps est régie par des équations différentielles couplées via une matrice (représentant le réseau d’interactions) de bas rang (une mesure de sa dimension). Toutefois, cette hypothèse sur le réseau et sa réduction dimensionnelle est souvent faite sans justification théorique et sans vérification expérimentale, ce qui met en doute sa validité.
Basé sur ces observations, l’article introduit l’«hypothèse de bas rang des systèmes complexes» et démontre sa grande prévalence dans la littérature de la science des réseaux, la physique, les neurosciences et l’intelligence artificielle. Pour vérifier la validité de l’hypothèse, près de 700 réseaux complexes réels de provenances diverses (réseaux neuronaux, sociaux, écologiques, technologiques, etc.) sont rassemblés et analysés, ce qui révèle leur basse dimension effective et ce, basé sur différentes mesures de dimensionnalité. Ces résultats expérimentaux combinés à l’introduction de nouveaux arguments mathématiques rigoureux permettent ensuite de mettre en lumière qu’un nombre étonnamment petit de variables bien choisies peut être suffisant pour décrire les phénomènes collectifs émergents, que ce soit l’émergence d’une hausse abrupte de l’activité neuronale du ver C. elegans ou d’une épidémie dans une école secondaire. Cependant, choisir la bonne quantité de variables demeure un jeu délicat et les conséquences d’effectuer une telle hypothèse sont non négligeables. En particulier, il est démontré que réduire le nombre de variables décrivant un système complexe change la nature de ses interactions. Plus précisément, des interactions d’ordre supérieur, c’est-à-dire des interactions par groupe de plus de deux éléments, peuvent se manifester. Cette surprenante manifestation dévoile un lien profond entre la dimension à laquelle un système complexe est décrit et la possibilité d’avoir des interactions d’ordre supérieur.