On estime que près de la moitié des autochtones du Québec a moins de 30 ans. Malgré son poids démographique au sein de cette population, la jeunesse autochtone peine à faire entendre sa voix dans les débats de société, faute de conditions propices à la prise de parole. Insuffisamment écoutée, cette génération demeure trop souvent exclue dans les processus décisionnels formels. Les interventions qui la ciblent sont d’ailleurs inadéquates dans de nombreux cas, puisque centrées sur ses lacunes. Natasha Blanchet-Cohen, professeure au Département des sciences humaines appliquées de l’Université Concordia et cotitulaire du volet autochtone de la Chaire réseau de recherche sur la jeunesse (CRJ) , veut soutenir la place des jeunes comme vecteur de changement.
Elle et ses collaborateurs bâtissent depuis 2018 des espaces de dialogue culturellement sécurisants pour les jeunes autochtones, où les moyens d’expression diversifiés intègrent les savoir-faire et réalités uniques de cette population. Respectueuse, réciproque et avantageuse, cette approche de décolonisation de la recherche est axée sur la coconstruction des connaissances entre scientifiques, organismes partenaires et jeunes autochtones. Un comité-conseil, composé de jeunes issus de plusieurs nations du Québec et provenant de divers domaines, disciplines et réalités, joue un rôle central au sein de cette démarche. Ses membres, âgés de 15 à 30 ans, se veulent les gardiens de la voix des jeunes autochtones au sein des divers projets de recherche.
Grâce aux pratiques de la CRJ, les organismes partenaires autochtones sont mieux outillés pour valoriser et soutenir les besoins des jeunes qu’ils représentent. Ainsi, l’Institut Tshakapesh utilise désormais un feuillet sommaire des résultats de recherche sur la situation des jeunes innus à l’école pour informer le milieu scolaire de la région de Sept-Îles. De son côté, le Réseau jeunesse de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) recourt aux conclusions d’un sondage sur la voix des jeunes autochtones pour orienter ses actions et parfaire son plan stratégique des prochaines années. Des outils, comme des « cartes postales » et des capsules vidéo, ont par ailleurs été créés par le comité-conseil. À l’ère de la réconciliation, ces travaux constituent autant de pistes de solutions pour que les politiques publiques écoutent davantage les jeunes autochtones. Le but est que ceux-ci puissent se développer à leur plein potentiel dans un esprit d’équité générationnelle et culturelle.