La gonorrhée et la méningite à méningocoques représentent de graves défis de santé publique. Ces deux infections touchent à elles seules des millions de personnes sur la planète chaque année, aussi bien dans les pays avancés que dans ceux en voie de développement. Les bactéries qui en sont responsables, comme Neisseria gonorrhoeae et Neisseria meningitidis, peuvent heureusement être éradiquées grâce à des antibiotiques. Or, certaines souches de Neisseria ont acquis dans les dernières années une résistance à cette classe de médicaments, ce qui complique la lutte contre ces infections. Frédéric Veyrier, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique, et ses collaborateurs ont récemment identifié une molécule capable de venir à bout de ces souches antibiorésistantes.

La gonorrhée et la méningite à méningocoques touchent à elles seules des millions de personnes sur la planète chaque année.

La molécule en question, le tétraphénylborate de sodium, est connue des chimistes depuis belle lurette – l’industrie pharmaceutique l’utilise notamment dans la synthèse de certains composés organométalliques. Simple, accessible et peu coûteux, le NaBPh4 n’avait jamais été étudié auparavant dans des cultures de bactéries ni dans un modèle d’infection in vivo. Pourtant, comme l’a constaté M. Veyrier, spécialiste en bactériologie sur un modèle animal vivant, elle s’avère redoutable contre les Neisseria à l’origine de la gonorrhée et de la méningite à méningocoques, sans affecter les autres types de Neisseria bénéfiques pour la santé. Mieux encore : les bactéries pathogènes qui parviennent à devenir résistantes à ladite molécule perdent du même coup leur virulence, ce qui les neutralise.

Pour l’instant, le groupe à l’origine de cette découverte inattendue peine à expliquer la spécificité manifeste du NaBPh4. Des recherches récentes, mais non publiées pour l’instant, laissent cependant penser que la membrane des Neisseria pathogènes est en cause. Frédéric Veyrier et un groupe de chimistes dirigé par Annie Castonguay, en collaboration, ont modifié la molécule pour la rendre plus lipophile, ce qui a eu pour effet d’augmenter de 1000 à 10 000 fois son efficacité contre les bactéries en question. À terme, ces travaux financés notamment par le Réseau québécois de recherche sur les médicaments pourraient ouvrir de nouvelles avenues thérapeutiques, comme l’utilisation de suppositoires vaginaux contre la gonorrhée, en plus de faire avancer les connaissances fondamentales sur les Neisseria.