Chercheur : 
Duclos-Bélanger, Vincent

Établissement : 
Université du Québec à Montréal (UQAM)

Année de concours : 
2021-2022

La Covid-19 a démontré le rôle stratégique de la modélisation dans la compréhension des phénomènes de santé publique. Mais par-delà leur impact sanitaire, les algorithmes de modélisation sont porteurs d’implications sociales et culturelles importantes, que cette recherche étudie. Ce projet aborde les algorithmes de modélisation propres à l’épidémiologie en tant que pratiques divinatoires. Comme pour toute autre forme de pratique divinatoire, la modélisation vise à apprivoiser une réalité incommensurable, fondamentalement incertaine. Elle prend pour objet la traduction de phénomènes biologiques, sociaux et culturels complexes en des tendances intelligibles, sur lesquelles on peut intervenir. Mais en mettant en scène des avenirs possibles, la modélisation contribue aussi à réguler la vie sociale au présent. Depuis le doctorat, j’ai développé une programmation de recherche qui étudie la manière dont les technologies numériques transforment la prise en charge de la santé. En continuité avec ces travaux, cette recherche s’intéresse à l’expansion de la science des données en santé publique. Ce projet élargit mon champ d’enquête en examinant les imaginaires sociaux associés à la modélisation dans le contexte de la Covid-19. Avec la Covid-19, le spectacle des modèles est devenu familier, se taillant une place de choix dans les imaginaires pandémiques. La pratique divinatoire, jusqu’ici restreinte à des lieux et auditoires bien délimités, est investie de capacités morales et politiques inédites. Mais la légitimité de la pratique divinatoire est également l’objet de vifs débats et contestations. Ce projet a pour objectif principal de comprendre comment, en mettant en scène des avenirs sanitaires, les modèles agissant ainsi sur nos manières d’imaginer et d’intervenir sur les phénomènes de santé. Il a trois objectifs spécifiques :
1.Mieux comprendre les avenirs ? sanitaires, mais aussi sociaux et politiques ? mis en scène par les modèles de la Covid-19.
2.Étudier les débats qui entourent la modélisation de la Covid-19, pour mieux saisir les imaginaires sociaux associés à la science des données.
3.Documenter la transformation de la santé publique sous l’influence de la science des données.

La recherche repose sur une méthodologie triple : a) des entretiens semi-dirigés avec des acteurs impliqués dans la modélisation de la santé publique, incluant de la Covid-19?; b) une analyse ethnographique de modèles pour comprendre les hypothèses qu’ils intègrent ainsi que leurs effets sanitaires, sociaux et politiques; c) une analyse de contenu médiatique examinant les débats entourant la modélisation de la Covid-19. Ce projet aura des retombées importantes dans les domaines de l’anthropologie culturelle, de la communication et des études sociales de la science. Il fera progresser la compréhension des algorithmes en tant qu’objets socioculturels. Proposant une étude ethnographique d’un milieu scientifique en pleine mutation, le projet permettra également de mieux saisir la construction des savoirs en santé publique à l’ère des données massives. Finalement, alors que très peu d’études se sont intéressées aux imaginaires sociaux de la science des données, cette recherche s’intéresse aux visions, symboles et sentiments qu’elle suscite. Une attention particulière est accordée à la contestation de sa légitimité, incluant de sa prétention à apprivoiser l’incertitude.