Chercheur : 
Veyrier, Frédéric

Établissement : 
Institut national de la recherche scientifique (INRS)

Année de concours : 
2021-2022

Il y a au moins dix fois plus de bactéries dans notre corps que de cellules humaines. L’évolution a permis l’émergence de plusieurs mécanismes nécessaire au maintien et la multiplication de ces bactéries dans les microbiomes humains. Dans certains cas, ces symbiotes ont développé une symbiose de type parasitaire et sont responsables de nombreuses maladies mortelles. Ils représentent les principales causes de décès dans le monde, en particulier à l’ère actuelle des résistances globalisées aux antibiotiques. Pour s’adapter au microbiome humain, ces bactéries symbiotiques ont subi une adaptation en plusieurs étapes caractérisées par des altérations génétiques où seuls les changements permissifs sont sélectionnés. L’expertise de notre groupe est désormais bien établie dans le domaine de l’évolution des symbiotes humains bactériens comme le démontrent nos nombreuses études publiées dans des revues de grande qualité et nos nombreuses collaborations. Bien que nous soyons impliqués dans l’étude de plusieurs exemples d’évolution bactérienne, notre groupe concentre ses études sur les espèces du genre Neisseria. Ce genre est un bon modèle car il ne comprend que deux espèces pathogènes, à savoir N. meningitidis et N. gonorrhoeae, qui sont toutes deux responsables de nombreuses infections dans le monde avec de nombreux décès ou des séquelles importantes. Ces deux espèces sont fortement apparentées (sous-espèces), car elles sont issues d’un ancêtre commun commensal. Il a été suggéré que cet ancêtre ait été un commensal buccal qui s’est progressivement adapté à l’écosystème nasopharyngé (cela a mené à l’émergence de N. meningitidis). Suite à l’adaptation au nasopharynx, la bactérie a subi un autre basculement pour exploiter une niche écologique différente, en s’adaptant à l’environnement génital (cela a mené à l’émergence de N. gonorrhoeae).

Il est également proposé que l’ancêtre commun des Neisseria pathogènes soit issu d’un progéniteur commensal ayant acquis la capacité d’induire une inflammation (seul ou en combinaison avec une autre espèce), tout en développant des moyens de résister aux mécanismes de destruction des leucocytes polymorphonucléaires et en évitant l’immunité adaptative. En utilisant un séquençage à haut débit et des modèles animaux, il est maintenant possible d’identifier le mécanisme des modifications génétiques et les rôles qu’elles ont joué dans l’adaptation de Neisseria aux différents écosystèmes et/ou leur capacité à causer des dommages. Savoir ce qui était nécessaire pour que ces bactéries s’adaptent et colonisent différents écosystèmes du corps humain, est crucial pour comprendre les mécanismes de la pathogenèse et surtout décisif pour trouver des nouvelles voies de traitement innovantes.