Chercheur : 
Dupuis, Mathieu

Établissement : 
TÉLUQ - Université du Québec

Année de concours : 
2021-2022

Selon plusieurs observateurs, chercheurs et organisations internationales, une révolution de la production que l’on peut qualifier de numérique est actuellement en cours et a des conséquences majeures sur l’emploi, le travail et les entreprises (OCDE, 2018). Souvent définie comme l’avènement de l’Industrie 4.0 (Schwab, 2016), cette révolution sous-tend l’intégration des technologies de l’ information, de l’intelligence artificielle et de la robotisation et est censée transformer profondément les façons de produire dans le secteur manufacturier. Historiquement plus sensibles aux changements technologiques, cette industrie et les entreprises multinationales (EMN) qui le composent sont touchés par ces bouleversements (Dorrenbacher et al., 2018; Eurofound, 2019). Bien que ces changements alimentent de nombreuses réflexions chez les chercheurs en sciences sociales, des zones d’ombre demeurent quant aux conséquences concrètes de ces perturbations dans les milieux de travail, en particulier ceux qui sont syndiqués:

1. Si on envisage l’EMN comme un lieu contesté entre les différentes rationalités des acteurs qui la composent (Edwards et Bélanger, 2009), les transformations évoquées devront certainement faire l’objet d’arbitrages stratégiques pour la préservation de l’emploi. 2. La numérisation sous-tend des compromis au plan de la flexibilité du travail et de l’emploi, un objet fortement régulé par les conventions collectives et qui devra être renégocié. 3. Les études actuelles se concentrant davantage sur les aspects techniques de ces changements, on en connait peu sur la participation des syndicats dans ces transitions. Pourtant, les changements productifs précédents mettant fortement l’accent sur la nécessité de mobiliser les travailleurs et leurs représentants lors de ces transitions. Dans ce contexte, ce projet de recherche tente de répondre à la question suivante : comment les acteurs syndicaux et patronaux dans les entreprises multinationales manufacturières négocient les changements technologiques et quelles sont les conséquences sur les contrats sociaux concernant les systèmes de production, l’emploi et les conditions de travail? Théoriquement, nous mobilisons un cadre théorique multidisciplinaire alliant des explications complémentaires et/ou divergentes dans la compréhension des changements technologiques, de leurs processus d’arbitrages stratégiques et de leurs conséquences :

1. L’approche stratégique en relations industrielles : Les décisions technologiques des firmes seraient le reflet de pressions concurrentielles sur les architectures sectorielles et les stratégies corporatives (Jacobides et al. 2016). 2. Institutions et contextes sociaux : les décisions organisationnelles et productives sont modelées par le contexte institutionnel national (Turner, 1991). 3. Le pouvoir des acteurs et la nature contestée des firmes : Les choix organisationnels et productifs sont plutôt le reflet des dynamiques de pouvoir entre les acteurs du monde du travail (Lévesque et Murray, 2010). Au plan méthodologique, ce projet propose d’étudier l’objet dans trois contextes institutionnels (Québec, Ontario, États-Unis) de deux secteurs différents (métallurgie, automobile). Le devis sera construit autour d’études de cas comparatives (12, 2 par secteur, par contexte) et d’entretiens semi-dirigés avec les acteurs collectifs de l’entreprise (syndicats, gestionnaires).