Responsable : 
Claire Legendre

Établissement : 
Université de Montréal

Année de concours : 
2020-2021

Table des matières

  1. Résumé du projet

1. Résumé du projet

« Translations » est un programme de recherche-création sur 3 ans qui propose d’explorer l’écriture de témoignage en cocréation.

Autour de deux thèmes successifs, qui me touchent personnellement, je propose de mettre en place un protocole d’écriture et d’écoute qui implique la création collective à plusieurs niveaux.

Dans un premier temps, l’écriture du collectif « Nullipares » permettra d’expérimenter l’autobiographie collective – 12 écrivaines témoigneront de leur vécu sans enfantement, dans la perspective d’un chœur, d’une intersubjectivité qui fait sens.

Témoigne-t-on toujours de soi-même ou peut-on porter la voix d’autrui? Dans un second volet, se mettront en place les « Translations » : l’ouverture à l’autre, à 12 témoins choisis qui auront vécu le déplacement, l’immigration, l’exil, et qui accepteront de nous le raconter – « nous » : les étudiants impliqués dans le programme, moi-même, et trois photographes choisis pour leur démarche singulière. Mériol Lehmann photographie des routes, Franck Le Coroller filme des personnages en mouvement, Lou Scamble explore la part onirique de ses personnages. Ces trois points de vue sur les témoins seront autant de manières de regarder leur histoire avec les yeux de l’art. Si le témoignage est sanctuarisé par l’histoire, par la critique, parce qu’il touche des traumas et des tabous, nous tenterons d’explorer ce que peut l’art pour le témoignage.

Nous questionnerons dans un premier temps les frontières entre autobiographie et témoignage, et tenterons de redéfinir une épistémologie du récit vrai (référentiel). En établissant un protocole de la rencontre, de l’enregistrement, de l’écoute, qui fixera un cadre et un pacte, nous espérons trouver un moyen d’explorer le témoignage de l’autre comme matériau artistique dans un contexte éthique respectueux.

Au XXIème siècle, la photographie n’est plus une preuve de « ça a été », c’est dans cet esprit que nous l’appelons à dialoguer avec le témoignage, non pas pour attester ou illustrer les récits, mais pour les regarder autrement, multiplier les angles. Car si le « témoignaire » est responsable face au témoin, il ne peut être muet. De sa réception, de sa réponse, de son écho, dépend le sort du récit qu’on lui livre.

C’est ce que nous voulons tenter de faire : que l’art ne soit plus une menace pour le témoignage (le son brut en sera conservé sous forme de podcast), mais qu’il en soit une caisse de résonnance.

Si l’événement que rapporte le témoin est plus grand que lui, c’est en le regardant à hauteur d’homme, dans son individualité, que la littérature et la photographie trouveront en lui une porte vers l’histoire. On s’intéresse rarement à l’immigration avant d’avoir rencontré un immigré. A l’échelle individuelle, les drames collectifs sont incarnés, humains. C’est ce que la littérature peut apporter à l’histoire. C’est ce que la photographie peut mettre en évidence : sortir de l’anonymat de la foule un regard.

Le témoignaire-artiste ne peut renier sa subjectivité ni sa  propre histoire.

Notre défi sera donc d’exalter la subjectivité (du témoin et de l’artiste) là où la quête de l’objectivité prévaut d’habitude. L’interdisciplinarité, l’intermédialité de notre dispositif (son, littérature, photographie) engagera un partage de la parole.