Responsable : 
Nicolas Le Dévédec

Établissement : 
HEC Montréal

Année de concours : 
2020-2021

Table des matières

  1. Résumé du projet

1. Résumé du projet

La consommation de psychostimulants par les étudiants à l’université pour améliorer leurs « performances cognitives » telles que la mémoire, l’attention et la concentration, constitue un phénomène social qui ne cesse de gagner en importance, tant en Europe qu’en Amérique du Nord. Le recours à ce que l’on appelle désormais couramment les « smart drugs » ou amplificateurs cognitifs désigne l’utilisation non thérapeutique, c’est-à-dire en dehors de tout cadre pathologique avéré, de médicaments reconnus pour leurs propriétés stimulantes sur le système nerveux et destinés normalement à traiter divers troubles de la mémoire ou de la concentration. Si les contours statistiques du phénomène demeurent encore imprécis, plusieurs études montrent que le recours aux smart drugs pourrait concerner entre 20% et 35% des étudiants sur certains campus nord-américains. Cet usage pourrait même atteindre jusqu’à 43% des étudiants appartenant à des domaines d’études hautement compétitifs. Si les enquêtes sur l’utilisation des smart drugs à l’université se sont multipliées ces dernières années, la compréhension sociologique du phénomène demeure limitée. Souvent qualifié de « dopage académique », le recours aux smart drugs tend aujourd’hui très souvent à être appréhendé comme une pratique individuelle « déviante » par les approches en santé publique et en bioéthique. L’usager de ces substances est, sinon assimilé à une forme de toxicomane potentiel, du moins très souvent perçu comme une forme de « tricheur », son acte étant présenté comme un acte déviant qui se situerait « en dehors » des règles et normes sociales établies par les institutions. Mais qu’en est-il réellement ?

À partir d’une enquête qualitative qui sera réalisée auprès d’une quarantaine d’étudiants du milieu universitaire de la gestion de trois grandes écoles de gestion à Montréal (l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM) ; HEC Montréal ; l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia), cette recherche entend apporter un éclairage sociologique empirique et compréhensif de cette utilisation non médicale de psychostimulants chez les étudiants à l’université. Prenant appui sur les études sociologiques pionnières conduites sur les smart drugs en Amérique du Nord et notamment au Québec, l’étude permettra plus particulièrement de confronter empiriquement un certain nombre d’hypothèses théoriques et notamment le rôle présumé essentiel joué par les facteurs sociaux tels que les pressions à la réussite sociale et professionnelle, les injonctions à la performance et au dépassement de soi propres aux sociétés et aux milieux universitaires contemporains. Loin de constituer une « pratique déviante », l’usage non médical de psychostimulants pourrait au contraire constituer une « pratique adaptative », traduisant de la part des étudiants une volonté de répondre du mieux que possible aux standards et normes exigés par leur milieu. Le phénomène des smart drugs serait de ce point de vue moins à interpréter comme la manifestation d’une pratique déviante que comme le symptôme de sociétés valorisant à l’excès la quête de performance et de dépassement de soi.