Environ 20 % de la population canadienne souffre de douleur chronique, c’est-à-dire une douleur qui dure depuis plus de trois mois. Celle-ci peut survenir, par exemple, à la suite d’un mouvement répétitif ou encore d’une blessure de nature musculosquelettique ou neurologique. Elle peut aussi continuer à être ressentie même si on a résolu la cause initiale du mal.
Dans le cas d’une atteinte motrice (difficulté à marcher ou à exécuter des tâches manuelles), les spécialistes de la santé la traitent souvent indépendamment de la douleur : la première avec des exercices et la deuxième avec des médicaments. Ne devrait-on pas plutôt envisager ces deux aspects simultanément ?
Catherine Mercier, professeure à l’École des sciences de la réadaptation de l’Université Laval et directrice scientifique du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (Cirris), tente de répondre à cette question en étudiant la façon dont le corps traite la douleur, et ce, dans le but d’améliorer l’efficacité des stratégies de réadaptation.
La chercheuse veut notamment mieux comprendre la douleur engendrée par un dysfonctionnement cérébral sans cause apparente, comme dans le cas de la fibromyalgie. Elle étudie également le syndrome de douleur régionale complexe, qui peut se développer, entre autres, après la guérison d’une fracture.
Catherine Mercier et son équipe utilisent la réalité virtuelle et un système robotisé pour inciter des participants à bouger, par exemple, en faisant des mouvements assistés en direction de cibles. Elles vérifient également la perception du mouvement chez l’utilisateur alors que le système leur fait voir des bras virtuels effectuant des déplacements exagérés ou réduits. Les scientifiques ont constaté que les personnes qui souffrent de douleurs chroniques évaluent mal l’amplitude de leurs mouvements. Ceux qui ont des maux de dos, par exemple, ont tendance à les surestimer : ils pensent qu’ils bougent plus qu’ils ne le font en réalité. Est-ce une façon pour le corps de se protéger ? La question reste à résoudre.
En revanche, malgré leur douleur, les participants arrivaient tous à faire des gains sur le plan moteur. La réalité virtuelle semble donc une piste à envisager pour les cliniques de réadaptation. La chercheuse et son équipe évaluent actuellement un système un peu plus léger qui prévoit l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle, dans l’optique de l’implanter dans des cliniques privées de physiothérapie.
Références :
Brun, C. et al. (2018). Exploring the Relationships Between Altered Body Perception, Limb Position Sense, and Limb Movement Sense in Complex Regional Pain Syndrome. The Journal of Pain, 20(1), 17-27. doi : 10.1016/j.jpain.2018.07.008
Brun, C., McCabe, C. S. et Mercier, C. (2020). The Contribution of Motor Commands to the Perturbations Induced by Sensorimotor Conflicts in Fibromyalgia. Neuroscience, vol. 434, 55-65. doi : org/10.1016/j.neuroscience.2020.03.017
Dagenais, M. et al. (2021). Virtual Reality in Fibromyalgia: Does Altering Visual Feedback Impact on Pain and Movement During Reaching? Frontiers in Virtual Reality, tome 2, 681034. doi : org/10.3389/frvir.2021.68103