
Depuis quelques années, les concentrations en oxygène dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent dégringolent encore plus rapidement que prévu.
Piero Calosi et Gwénaëlle Chaillou, respectivement professeur au Département de biologie, chimie et géographie et professeure à l’Institut des sciences de la mer (ISMER) de l’Université du Québec à Rimouski, s’intéressent à la façon dont les organismes réagissent aux fluctuations de leur environnement et au fonctionnement des écosystèmes. En s’appuyant sur des décennies de recherches menées par Gwénaëlle Chaillou sur les conditions physicochimiques du fleuve Saint-Laurent, les deux chercheurs et leur équipe ont souhaité analyser et comparer l’effet de la baisse d’oxygène sur plusieurs espèces d’invertébrés normalement tolérants à l’hypoxie, et en analyser les répercussions sur les écosystèmes.
Les scientifiques ont d’abord documenté les conditions et l’évolution de l’environnement naturel et des communautés. Ensuite, ils ont recueilli des invertébrés qui habitent à une profondeur de 200 à 300 mètres dans les fonds marins, dans des zones plus ou moins oxygénées du Saint-Laurent, créant ainsi un important échantillonnage qu’ils continueront à analyser au cours des prochaines années. Ce travail leur permettra de comprendre ce qui rend certaines espèces d’invertébrés marins (appelés « benthos ») tolérants à des baisses d’oxygène.
L’équipe a examiné des processus biologiques stables comme l’accumulation de protéine et la fraction des lipides chez des annélides (des vers) et des échinodermes, une famille qui comprend notamment les étoiles de mer et les oursins. L’étudiant au doctorat Andres Cuenca a dû avoir recours à des techniques statistiques évoluées pour répondre aux défis que pose l’étude de ces organismes, loin des modèles utilisés en laboratoire.
Les travaux de doctorat de Ludovic Pascal ont, quant à eux, permis de déterminer un seuil d’oxygénation sous lequel les réactions physiologiques d’une espèce d’invertébré changent drastiquement. Le fonctionnement des écosystèmes était aussi fortement perturbé sous ce seuil, entraînant des conséquences imprévisibles.
En plus de remplir d’importantes fonctions écosystémiques – comme décomposer la matière organique –, les invertébrés se trouvent à la base de la chaîne alimentaire dans les fonds marins. Si ce milieu de vie venait à manquer d’oxygène, c’est tout l’écosystème et la biodiversité qui en souffriraient.
Références
- Pascal, L., Cool, J., Archambault, P., Calosi, P., Cuenca, A. L. R., Mucci, A. O. et Chaillou, G. (2023). Ocean deoxygenation caused non-linear responses in the structure and functioning of benthic ecosystems, Global Change Biology, 30(1): e16994. doi: 10.1111/gcb.16994
- Cuenca, A. L. R., Madeira, D., Parent, G. J., Pascal, L., Fourcassié, V., Boissonneault, M., Droit, A., Archambault, P., Chaillou, G. et Calosi, P. (2025). Proteomic profiling unveils compensatory physiological mechanisms of an annelid living across a natural deoxygenation gradient, Environmental Research. https://doi.org/10.1016/j.envres.2025.122654