Le toucher est un sens très intime qui suppose une grande proximité entre deux personnes. Peut-on partager cette expérience quand on fait partie d’un groupe d’individus éloignés les uns des autres ?
Christopher Salter, professeur en design et arts numériques au Département des beaux-arts de l’Université Concordia, a mené une recherche-création autour de cette question brûlante d’actualité, au moment où la pandémie de COVID-19 impose la distanciation physique.
Les sensations tactiles de chacun sont produites par l’entremise de technologies de détection et de transmission sans fil.
Le projet se situe à la jonction des nouvelles technologies, des arts et des sciences humaines et sociales, notamment l’anthropologie. Il s’agissait de mettre au point une technologie haptique permettant d’expérimenter le toucher en maintenant une distance entre les participants, puis de créer une performance artistique à l’aide des outils développés. Les interactions des participants pourraient ensuite être analysées à l’aune de l’anthropologie.
Le chercheur et son équipe ont ainsi élaboré « Champ haptique ». Dans cette installation ludique, des personnes privées du sens de la vue se déplacent, vêtues de costumes capables de générer sur le corps des sensations tactiles d’une intensité variable. Leur puissance peut, par exemple, augmenter fortement lorsque deux participants se rapprochent l’un de l’autre. Les sensations tactiles de chacun sont produites par l’entremise de technologies de détection et de transmission sans fil. Cela crée l’impression d’un « champ » tactile en évolution constante.
Cette performance artistique a été présentée dans divers pays, dont la Chine, l’Autriche et l’Indonésie. Les résultats montrent que l’expérience de ces sensations est fortement liée à la culture des individus. En Indonésie, par exemple, la croyance dans des esprits comme les memedis ou les lelembuts reste répandue. Les participants dans ce pays étaient donc nombreux à avoir le sentiment d’être entourés d’esprits ou de fantômes.
En plus de générer des connaissances et des avancées technologiques, ce projet offre des pistes pour repenser la communication avec le toucher, dans un contexte où la proximité est remise en question.