Il n’y a pas que sur les mers que les vagues déferlent : elles se trouvent aussi sous la surface de l’eau, jusqu’aux confins abyssaux. Ces vagues sous-marines peuvent même atteindre la hauteur d’un édifice de 12 étages! Les océanographes pensent qu’elles influent sur la dynamique et sur les propriétés des océans. À un point tel que si, par magie, toutes les vagues sous-marines disparaissaient soudainement, le climat de la planète en serait fortement affecté. Mais ces vagues sont encore mal comprises.

Le projet SILLEX, une collaboration entre le Canada, la France et les Pays-Bas, est dirigé par Daniel Bourgault, chercheur à l’Institut des sciences de la mer de l’Université du Québec à Rimouski, et vise un objectif ambitieux : documenter et cartographier les vagues sous-marines dans le fjord du Saguenay, ainsi que dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent.

Le fjord est particulièrement propice à la formation de telles vagues, étant donné la présence de trois montagnes sous-marines – ou « seuils » – qui perturbent l’écoulement de l’eau. Daniel Bourgault et son équipe ont sillonné ces endroits en bateau pour prendre des mesures de salinité, de température, de courants et de turbulence.

Comme le font les vagues en surface, les vagues sous-marines peuvent, en déferlant, générer de la turbulence qui favoriserait la redistribution des propriétés physico-chimiques de l’océan telles que la salinité, la température et la disponibilité d’éléments nutritifs.

Échantillonner les vagues à partir d’un navire demeure cependant long et coûteux, et ne permet pas de couvrir tout le fjord à tout instant. Pour pallier cette difficulté, des étudiants ont analysé des tonnes d’images satellites à la recherche de signatures des vagues sous-marines : celles-ci se manifestent en surface par temps calme, et présentent en alternance des bandes d’eau lisses et rugueuses. Ils ont ainsi pu créer un premier catalogue de distribution de ce type de vague pour le golfe du Saint-Laurent.

À terme, les nouvelles connaissances générées par le projet SILLEX contribueront à raffiner les prédictions des modèles climatiques et des écosystèmes marins. Elles pourront aussi servir à renforcer la sécurité nautique et à mieux planifier la construction d’infrastructures marines, compte tenu du fait que les vagues sous-marines peuvent affecter les manœuvres des navires et des sous-marins ainsi que la mise en place de plateformes pétrolières, entre autres choses.