Les catastrophes naturelles sont souvent présentées comme des malheurs inévitables dont nul ne porte la responsabilité. Pourtant, elles s’accompagnent régulièrement de violations massives des droits de la personne, que les victimes peinent à faire reconnaître.

Megan Bradley, chercheuse en sciences politiques à l’Université McGill, a exploré cette question avec son collègue Mohamed Sesay, professeur associé à l’Université York. Ils ont notamment étudié le cas des victimes d’une coulée de boue en Sierra Leone, qui a fait plus de 1100 morts et des milliers de déplacés en août 2017.

À partir d’entrevues avec des personnes survivantes, des responsables gouvernementaux et des organisations non gouvernementales, les chercheurs ont tenté de comprendre comment chaque partie prenante voyait ce désastre et ses conséquences.

Les résultats démontrent que la perception des responsabilités dépasse la simple « malchance ». Les victimes s’interrogent sur leurs propres responsabilités et celles de l’État dans la catastrophe et dans les actions posées par la suite.

Le gouvernement de Sierra Leone a offert une aide temporaire à certaines victimes, tout en en excluant d’autres de manière plutôt arbitraire. Les efforts réalisés pour indemniser les personnes survivantes ou corriger les situations qui ont rendu cette catastrophe possible se sont avérés nettement insuffisants. Personne n’a été formellement mis en question pour les échecs qui ont mené au désastre ou pour ses conséquences.

Loin de rester passives, les victimes ont fondé une association, présenté leur cas dans des rencontres publiques et dans les médias locaux, et même organisé des manifestations. Malgré tout, elles ont éprouvé énormément de difficulté à faire reconnaître leurs droits et à obtenir des réparations.

Les résultats de l’étude aident à mieux comprendre les défis associés à l’avancement de la responsabilité des violations des droits de la personne dans les situations de catastrophe. Ils ont été inclus dans un rapport des Nations Unies sur la justice transitionnelle et les populations déplacées. La justice transitionnelle vise à rendre justice et à permettre la réconciliation après des exactions massives. Elle a été utilisée à la suite de périodes de dictature ou de guerre civile, et certains croient qu’on pourrait l’appliquer dans la foulée de catastrophes naturelles.