Depuis une cinquantaine d’années, les populations d’oiseaux de rivage connaissent un fort déclin qui serait notamment dû aux changements climatiques et à l’urbanisation des littoraux. Parmi les habitats cruciaux de ces espèces figurent les rives de l’estuaire du Saint-Laurent, particulièrement fréquentées durant la migration automnale. Yves Turcotte, enseignant au Département des sciences et techniques biologiques du Cégep de La Pocatière, s’intéresse depuis quelques années au sort du bécasseau semipalmé, l’espèce d’oiseau de rivage la plus abondante à cet endroit.
La majorité de ces bécasseaux semipalmés sont nés l’été précédent dans les zones arctiques et subarctiques. Jusqu’à tout récemment, on ignorait tout de l’importance de ce séjour (durée et acquisition de réserves énergétiques) pour ces oiseaux de rivage qui cherchent à migrer dans le nord-est de l’Amérique du Sud à l’automne. Afin de pallier ce manque de connaissances, le chercheur et son équipe ont capturé, puis muni de nanoémetteurs 160 bécasseaux semipalmés juvéniles dans la région de Kamouraska. Pour suivre ces oiseaux en continu, huit stations automatisées de télémétrie intégrées au réseau mondial Motus ont été érigées de Saint-Roch-des-Aulnaies à L’Isle-Verte, sur un littoral de 140 kilomètres.
Il semble que l’estuaire du fleuve Saint-Laurent soit une étape clé de la migration automnale des jeunes bécasseaux semipalmés. Au terme d’un séjour d’environ trois semaines dans les vasières de Kamouraska, ils ont augmenté leur masse corporelle de plus de 30 %, un gain pondéral suffisant pour leur permettre de poursuivre leur périple bien au-delà de leur prochaine destination, le littoral atlantique, principalement le long des côtes de la baie de Fundy. Ces résultats, qui peuvent en théorie être généralisés à d’autres espèces d’oiseaux de rivage, plaident en faveur de la protection de cet écosystème et de la mise en place de mesures de conservation locales.