La péninsule Fildes de l’île du Roi-George, en Antarctique, est unique en son genre. On y trouve de nombreuses bases de recherche occupées en permanence depuis les années 1960. Au fil du temps, la circulation aérienne, le trafic de véhicules lourds (camions, tracteurs, etc.) et la production d’électricité à l’aide de combustibles fossiles ont laissé des traces sur les écosystèmes autrement vierges de cette région.
Dermot Antoniades, professeur au Département de géographie de l’Université Laval et membre du Centre d’études nordiques, s’intéresse tout particulièrement aux lacs des environs, qui sont aussi perturbés par le réchauffement climatique. Le chercheur et son équipe espèrent ainsi réussir à différencier les effets des changements attribuables aux activités humaines locales de ceux d’origine climatique.
Pour ce faire, ils ont échantillonné sept lacs, mais se sont concentrés sur deux d’entre eux qui sont situés près des bases antarctiques et sur un troisième qui en est éloigné (contrôle). La conductivité et le pH de leurs eaux ont été mesurés. Surtout, des carottes de sédiments lacustres en ont été extraites de manière à reconstituer une ligne du temps. Le but : comparer les conditions biotiques récentes à celles qui y régnaient avant l’arrivée des humains.
Par rapport au lac témoin, l’écosystème des lacs situés près des bases est plus perturbé. Les concentrations de certains métaux lourds, comme le zinc, y sont plus élevées. Leurs populations de diatomées – des microalgues photosynthétiques vivant dans l’eau – montrent des augmentations récentes des déformations reproductives, ce qui est connu comme une réaction au stress causé par la pollution. Ces modifications constituent des preuves circonstancielles de l’impact de l’activité humaine dans la région.
Ces résultats contribuent à conscientiser les occupants des différentes bases – Chiliens, Uruguayens, Argentins… – aux effets de l’utilisation des combustibles fossiles et suggèrent que l’utilisation d’énergies renouvelables non polluantes pourrait prévenir les conséquences négatives que les bases de recherche ou tout autre développement en milieux polaires font subir aux écosystèmes. Ces données peuvent s’appliquer aux régions subarctique et arctique québécoises, où des projets de développement économique sont en cours ou dans les cartons.