Roy Hajjar

Fellow, chirurgie et gastroentérologie
Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal

Publication primée : Modulating Gut Microbiota Prevents Anastomotic Leak to Reduce Local Implantation and Dissemination of Colorectal Cancer Cells after Surgery

Publiée dans : Clinical Cancer Research

Résumé

Le cancer colorectal est parmi les cancers les plus diagnostiqués et les plus mortels au Québec et dans le monde. Le traitement de ce cancer est une chirurgie pour réséquer le segment malade de l’intestin. Cependant, la chirurgie est une intervention invasive durant laquelle l’intestin est ouvert, ce qui peut théoriquement prédisposer à une dissémination des cellules cancéreuses dans le corps. Il n’y a pas de consensus parmi les chirurgiens et scientifiques par rapport à l’impact d’une barrière intestinale affaiblie sur la récidive du cancer après l’opération. Dans ce projet, notre objectif était de démontrer qu’une mauvaise guérison de l’intestin et une barrière intestinale affaiblie ont un impact négatif sur la récidive du cancer et l’évolution des patients, et d’explorer le rôle du microbiome pour consolider la barrière et prévenir la dissémination des cellules cancéreuses après l’opération.

Premièrement, nous avons évalué l’évolution de centaines de patients québécois opérés pour un cancer colorectal pendant une durée de plus de 10 ans. Nous avons découvert que le risque que le cancer revienne après la chirurgie était plus élevé chez ceux qui avaient une mauvaise guérison de la barrière et une infection de l’intestin immédiatement après l’opération.

Deuxièmement, une composante majeure du débat sur l’impact de la guérison intestinale sur la dissémination des cellules cancéreuses provient d’un manque de données sur ce phénomène. Nous avons ainsi évalué ce processus chez la souris et démontré qu’une connexion intestinale fragile après la chirurgie peut dans certains cas mener à la fuite de cellules cancéreuses qui flottent à l’intérieur de l’intestin. Nous démontrons ainsi que la qualité de la barrière intestinale à ce niveau peut mener à la fuite de ces cellules et leur implantation ailleurs dans l’organisme. Nos données ont permis aussi de constater qu’une barrière intestinale faible peut mener à une inflammation importante partout dans le corps, ce qui permet aux cellules cancéreuses de s’attacher à d’autres organes et de causer des métastases.

Troisièmement, nous avons exploré chez la souris si des prébiotiques alimentaires peuvent consolider la barrière intestinale et prévenir cette dissémination de cellules cancéreuses. Nous avons trouvé qu’une fibre alimentaire communément utilisée était capable de favoriser significativement la guérison de l’intestin et de prévenir la fuite de cellules cancéreuses après la chirurgie. De plus, cette même fibre stimulait les bactéries intestinales bénéfiques à produire une molécule anticancérigène, le butyrate, qui inhibe les cellules cancéreuses et les tue. Ce prébiotique était efficace contre les tumeurs dans le côlon mais aussi contre les tumeurs colorectales disséminées dans d’autres organes comme le foie.

Ces résultats originaux nous permettent de constater qu’un microbiome intestinal favorable et des suppléments alimentaires bénéfiques accélèrent la guérison de la barrière intestinale après une chirurgie pour un cancer colorectal. Ceci prévient ainsi la fuite de cellules cancéreuses hors de l’intestin et prévient la récidive du cancer. Avec l’application de ces résultats sous forme d’interventions chez les patients, ces données permettront d’alléger de façon majeure à court terme l’important fardeau du cancer colorectal sur la population.