Camille Bédard

Étudiante au doctorat en biologie moléculaire et microbiologie
Université Laval

Publication primée : Most azole resistance mutations in the Candida albicans drug target confer cross-resistance without intrinsic fitness cost

Publiée dans : Nature Microbiology

Résumé

Les champignons peuvent causer des maladies, appelées mycoses, responsables de 2,5 millions de décès par an. Les antifongiques sont des molécules qui arrêtent la croissance des champignons, ce qui nous permet de traiter les mycoses. Malheureusement, les champignons peuvent devenir résistants, ce qui signifie que nos antifongiques ont peu ou aucun effet sur eux. Cela met en péril notre capacité à traiter les mycoses. Parmi tous les antifongiques, les azoles sont les plus utilisés. Il est fréquent que les champignons deviennent résistants dû à des mutations dans la cible moléculaire des azoles. Ces mutations empêchent les molécules d’effectuer leur travail. Malgré l’importance de ces mutations, nos connaissances sur lesquelles procurent la résistance étaient très limitées.
Pour répondre à ce problème, notre étude portait sur l’identification des mutations de résistance aux azoles dans la cible moléculaire de Candida albicans, le champignon causant le plus souvent des mycoses. Pour ce faire, nous avons créé près de 4,000 mutants de la cible des azoles en laboratoire. Ensuite, nous avons fait croitre ces milliers de mutants dans 6 différents azoles, et ceux ayant une mutation leur permettant de survivre en présence de l’antifongique ont été catégorisés comme résistant. Ainsi, nous avons obtenu un catalogue des mutations de résistance qui pourra être utilisé dans le milieu clinique. Par exemple, en séquençant l’ADN d’un champignon pathogène et en consultant le catalogue, nous pourrons savoir exactement le médicament à utiliser, ou au contraire à éviter, selon les mutations de résistance présentes.
Ensuite, il était déjà connu que les mutations dans la cible moléculaire des azoles peuvent entraîner la résistance à plusieurs azoles simultanément, un phénomène connu sous le nom de résistance croisée. Cependant, il restait à savoir si la résistance croisée était la règle ou l’exception. Puisque nous avons caractérisé les mutations de résistance à 6 azoles, nous avons été en mesure de déterminer que près de 90% des mutations de résistance confèrent la résistance à plus d’un azole. Cela signifie qu’un champignon avec une telle mutation sera probablement résistant à plusieurs azoles, réduisant ainsi les options de traitement pour le patient infecté. Les données de notre étude pourraient aider à développer de nouveaux médicaments capables de contourner cette résistance croisée, augmentant ainsi les possibilités de traitement.
Finalement, la résistance aux antimicrobiens peut avoir un coût pour le microbe. Une mutation coûteuse sera avantageuse en présence du traitement, mais sera désavantageuse en son absence. C’est important puisque les mutations de résistance moins coûteuses ont plus de chances de rester dans les populations même en absence de traitement, augmentant ainsi le risque d’échec des traitements futurs. Cependant, la fréquence des mutations de résistance avec et sans coût dans la cible dans azoles était inconnue. Pour répondre à cette question, nous avons caractérisé la capacité des mutants à croitre en absence d’azole. Ainsi, nous avons déterminé que moins de 10% des mutations de résistance imposent un coût au champignon. Ces résultats pourraient guider les stratégies de traitement afin de tenir compte des potentiel impacts négatifs des mutations sans coûts.