Sandrine Lambert
Étudiante au doctorat en anthropologie
Université Laval
Publication primée : Ethnographie en période de pandémie et mobilisation des Coronavirus Makers à Barcelone : Le fleurissement des solidarités impromptues
Publiée dans : Anthropologica
Résumé
La pandémie de COVID-19 a bouleversé nos vies, mais aussi les manières de faire de la recherche de terrain en sciences sociales. Cet article de Sandrine Lambert relate comment, dans un moment de crise aux allures de fin du monde, surgissent des formes de solidarités inattendues. Les « Coronavirus Makers » se sont organisés spontanément pour fabriquer des équipements de protection pour la population en Espagne. Leur action restaure la potentialité d’une humanité tissée serrée, même lorsque celle-ci ne tient plus qu’à un fil. Ce texte imagé et cocasse évoque un terrain de recherche à Barcelone où rien ne se passe comme prévu, à cause de la pandémie qui change fondamentalement la nature des rapports sociaux. De ce chaos naîtront des enseignements sur une méthode plus collaborative qu’il n’y paraît. Le mouvement des fabricants ou bricoleurs appelés « makers » a pris un envol spectaculaire. En utilisant leurs machines qui impriment des objets en trois dimensions (imprimantes 3D), leurs découpeuses laser et leurs expériences d’organisation collective, ils ont confectionné et distribué du matériel de première nécessité, tel que des visières de protection. Révélant à la fois leur créativité, le pouvoir du partage de connaissances et de savoir-faire ainsi que la force d’un réseau translocal, ils ont pallié les failles d’approvisionnement des équipements de base pour les travailleurs essentiels. Les effets de la démocratisation des technologies et de la présence d’espaces de fabrication numérique gratuits et ouverts à tous sont analysés dans ce cas d’étude. En effet, l’augmentation des aptitudes technologiques parmi la population a favorisé cet élan de solidarité que de nombreux individus et collectifs ont rejoint. Néanmoins, cet article nuance la flamboyance de l’action des « Coronavirus Makers » qui n’étaient pas outillés pour faire face sur le long terme. En dépit de l’efficacité de la production d’équipements en début de pandémie, la dépendance aux matières premières et aux composants électroniques venus d’ailleurs rappelle les limites de l’affranchissement des flux mondialisés de marchandises. La force de ce texte réside dans la documentation d’une période historique et singulière en donnant la parole aux « Coronavirus Makers » qui ont déployé leurs talents et leurs dispositifs numériques pour sauver des vies. Ainsi, dans les interstices d’une époque bousculée s’entrevoyaient les possibilités d’une relocalisation de la production et d’une économie plus sociale et solidaire.