
Le traitement standard pour les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) est la thérapie d’exposition avec prévention de la réponse (EPR), qui consiste à exposer progressivement la personne à ce qui lui fait peur jusqu’à ce qu’elle s’habitue à l’anxiété suscitée. Or, l’EPR ne permet pas à tous les patients d’atteindre une rémission complète et peut provoquer une forte détresse qui en pousse plusieurs à refuser ou à abandonner le traitement. Constatant ces limites, le Dr Frederick Aardema, chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et professeur à l’Université de Montréal, a entrepris de valider une approche thérapeutique plus tolérable : la thérapie cognitivo-comportementale basée sur les inférences (TCC-BI).
Ses travaux s’appuient sur plus de 100 études empiriques qui montrent que les obsessions résultent d’un raisonnement et de processus imaginatifs dysfonctionnels qui nécessitent une approche distincte des modèles centrés sur l’anxiété. Le problème se situant plutôt du côté de la confusion inférentielle, c’est-à-dire la tendance à confondre l’imaginaire et la réalité, la TCC-BI essaie de montrer à la personne atteinte de TOC que son doute n’est pas ancré dans la réalité.
Échelonnés sur une période de quatre ans, deux essais contrôlés et randomisés ont comparé le TCC-BI à l’EPR. Les résultats démontrent que la TCC-BI est aussi efficace que le traitement standard, tout en étant plus acceptable et plus facile à tolérer pour les patients. Le premier essai a confirmé son efficacité sur l’ensemble des aspects des symptômes du TOC. Le second, mené pendant la pandémie de COVID-19 auprès de plus de 150 participants à travers le Québec, a également validé la faisabilité d’une thérapie à distance par vidéoconférence.
Les retombées de ces recherches sont déjà tangibles : la TCC-BI est reconnue par l’International Obsessive Compulsive Disorder Foundation et figure dans certaines recommandations cliniques, comme celles du gouvernement écossais. Une nouvelle étude est en cours au Canada, afin d’évaluer si cette thérapie peut améliorer les résultats chez les patients qui ne répondent pas suffisamment à l’EPR, et pour identifier des prédicteurs de succès thérapeutique. À l’échelle internationale, la TCC-BI suscite un intérêt de plus en plus grand, soutenue par un réseau en ligne de près de 5 000 professionnels de la santé mentale qui l’appliquent ou qui s’y intéressent activement. Cette étape marque un pas décisif vers une médecine plus personnalisée qui offre aux personnes atteintes de TOC un choix de traitement adapté à leur profil et à leurs besoins.
Références
- Aardema, F., Bouchard, S., Koszycki, D., Lavoie, M., Audet, J.-S., et O’Connor, K. (2022). Evaluation of inference-based cognitive-behavioral therapy for obsessive-compulsive disorder: A multi-center randomized controlled trial with three treatment modalities. Psychotherapy and Psychosomatics, 91(5), 348-359. https://doi.org/10.1159/000523573
- Baraby, L.-P., Bourguignon, L., et Aardema, F. (2023). The relevance of dysfunctional reasoning to OCD and its treatment: Further evidence for inferential confusion utilizing a new task-based measure. Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, 77, 101728. https://doi.org/10.1016/j.jbtep.2022.101728
- Aardema, F., et Wong, S. F. (2020). Feared possible selves in cognitive-behavioral theory: An analysis of its historical and empirical context, and introduction of a working model. Journal of Obsessive-Compulsive and Related Disorders, 24, 100479. https://doi.org/10.1016/j.jocrd.2020.100479