L’écriture a constitué une arme puissante dans l’établissement du rapport de force entre le gouvernement français et les peuples autochtones en Nouvelle-France, en plus de contribuer à la construction de l’État colonial.

C’est un travail de moine qui a permis à Maxime Gohier, chercheur au Département des lettres et humanités de l’Université du Québec à Rimouski, d’en arriver à cette conclusion. Pour obtenir ce résultat, il a en effet analysé plus de 500 documents qui relatent des échanges oraux entre des chefs autochtones et les autorités de la Nouvelle-France.

Les discours des chefs autochtones ayant tous été rapportés par des Français, certains propos ont pu être omis ou déformés. Le gouverneur filtrait par ailleurs ce qu’il souhaitait acheminer à Versailles pour donner une bonne image de son administration.

Ces écrits décrivent souvent des chefs autochtones fins diplomates, mais qui se fâchent, pleurent ou s’emportent. Or, en France, la maîtrise des émotions est un élément caractéristique de la « civilisation ». À l’inverse, le gouverneur est dépeint comme un homme en contrôle de ses émotions. Il peut châtier les Autochtones, tout en affirmant toujours les aimer. Ces représentations ont contribué à forger une relation paternaliste entre le pouvoir colonial et les Autochtones. 

Les transcriptions de ces discours se formalisent avec le temps. D’abord intégrées à des lettres ou à des relations de voyage, elles seront progressivement présentées comme des documents à part, voués à être archivés. Cette évolution montre que l’État colonial se construit et se formalise de plus en plus, notamment à partir de l’arrivée du gouverneur Frontenac, en 1672.

Cette recherche a de plus mené à la création d’un des premiers modèles de reconnaissance des écritures manuscrites francophones dans le monde, en partenariat avec la Coopérative européenne READ-COOP. Cette percée a été rendue possible grâce au logiciel Transkribus, qui utilise l’intelligence artificielle pour transcrire presque instantanément des manuscrits. Il s’agit là d’un véritable coup d’accélérateur dans la recherche sur l’histoire de la Nouvelle-France.