Notre cerveau ne cesse pas de travailler pendant notre sommeil. Il accomplit plusieurs tâches, dont la consolidation de la mémoire des événements de la journée qu’on vient de vivre. Une équipe de recherche montréalaise a développé un nouvel instrument pour étudier cette activité, et même l’influencer.

Lorsqu’il dort, l’être humain transite par plusieurs phases, dont le sommeil léger (phase 1), et le sommeil profond et très profond (phases 2 et 3). Pendant les phases 2 et 3, le cerveau génère des ensembles d’ondes cérébrales, dont la fréquence se situe entre 11 et 16 hertz, au cours de brèves périodes qu’on appelle des fuseaux de sommeil. Ces derniers serviraient notamment dans la consolidation de la mémoire des événements de la journée.

Si ce procédé ne se déroule pas correctement ou pas assez souvent, la mémoire des événements quotidiens et des apprentissages peut se détériorer. Les scientifiques croient que cela pourrait contribuer au déclin de la mémoire chez les personnes âgées. Or, les fuseaux de sommeil surviennent sans crier gare et ne durent qu’une à deux secondes. Les détecter et interagir avec eux est donc relativement compliqué.

Le Portiloop
Photo gracieuseté Emily Coffey

Créer son propre outil

Les scientifiques ont développé des approches de stimulation cérébrale en boucle fermée qui permettent non seulement de détecter ces ondes, mais de les stimuler en faisant écouter certains sons à la personne qui dort. Les sons amplifient les ondes cérébrales visées et augmentent leurs effets.

« Utiliser ces procédés avec des ondes lentes est relativement facile, car elles sont aisées à repérer et durent assez longtemps, explique Emily Coffey, professeure agrégée en psychologie à l’Université Concordia. Nous voulions influencer des événements neuronaux tels les fuseaux de sommeil et d’autres, qui peuvent atteindre jusqu’à 40 hertz, mais nos équipements étaient trop lents et les options disponibles sur le marché coûtaient très cher. »

L’équipe d’Emily Coffey, au Département de psychologie de l’Université Concordia, a donc développé son propre instrument, en collaboration avec l’équipe de Giovanni Beltrame, du Département de génie informatique et génie logiciel de Polytechnique Montréal. Le Portiloop reconnaît les signes précurseurs d’un fuseau de sommeil et y réagit très rapidement, grâce à l’intelligence artificielle. En détectant ces événements aussi vite, il donne le temps de transmettre un signal sonore au cerveau afin d’augmenter l’amplitude de ces ensembles d’ondes cérébrales.

Science ouverte

« Notre système est portable et peu coûteux, précise la chercheuse. Il permet de réaliser des projets de recherche fondamentale qui n’étaient pas possibles auparavant, notamment sur la perte de qualité du sommeil. »

Le laboratoire de la chercheuse l’utilise pour étudier comment diverses méthodes de stimulation cérébrale affectent des aspects particuliers des processus de mémorisation, y compris dans le cadre de tâches complexes telles que l’apprentissage d’un instrument de musique. À l’Université McGill, une équipe de recherche se sert du Portiloop pour tester un procédé qui associe chez une personne un son précis avec un apprentissage. Elle a démontré que lorsque ce son est joué pendant la nuit, il réactive la mémoire de cet apprentissage, ce qui pourrait aider à le consolider.

L’une des plus grandes fiertés que je tire de ce projet, c’est que nous rendons le Portiloop facilement disponible à la communauté scientifique, afin qu’il contribue le plus possible à faire avancer les connaissances scientifiques sur le fonctionnement du cerveau

Emily Coffey, professeure agrégée en psychologie à l’Université Concordia

Quelques chiffres clés :

3

Nombre de phases du sommeil chez l'être humain.

Entre 11 et 16 hertz

Fréquence des ensembles d'ondes cérébrales que génère le cerveau pendant le sommeil profond et très profond.

1 à 2 secondes

Durée des fuseaux de sommeil.

Pour aller plus loin :

Valenchon N, Bouteiller Y, Jourde HR, L’Heureux X, Sobral M, Coffey EBJ, et al. (2022) The Portiloop: A deep learning-based open science tool for closed-loop brain stimulation. PLoS ONE 17(8): e0270696. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0270696

PORTILOOP : UN POTENTIEL ENTRAÎNEUR D’ONDES CÉRÉBRALES POUR MUSCLER LA MÉMOIRE (un article du 25 août 2022)
Polytechnique Montréal