La recherche en littérature compte plusieurs études sur les pratiques littéraires des femmes qui écrivaient dans des journaux à la fin du 19e et au début du 20e siècle, mais beaucoup moins sur celles à l’œuvre à partir des années 1930. Il s’agit pourtant d’une époque charnière dans le rapport entre le journalisme et la littérature au Québec.
Mylène Bédard, chercheuse en littérature à l’Université Laval, a étudié la professionnalisation du métier de journaliste chez les femmes au tournant de 1930 à partir d’un échantillon composé de Germaine Bernier (1909-1989), Germaine Bundock (1909-1975), Solange Chaput-Rolland (1919-2001), Judith Jasmin (1916-1972) et Renaude Lapointe (1912-2002).
L’examen de la trajectoire de ces femmes démontre une rupture avec les pratiques des décennies précédentes. Alors que plusieurs écrivaines telles Gabrielle Roy (1909-1983) et Germaine Guèvremont (1893-1968) ont utilisé leur activité journalistique comme tremplin littéraire, les femmes qui font l’objet de l’étude de Mylène Bédard se sont définies seulement en tant que journalistes pendant toute leur carrière. Elles ont publié des essais ou des carnets de voyage, mais pas d’ouvrages littéraires.
C’est donc la production médiatique qui confère à ces femmes une dimension littéraire et non le livre. Le journalisme ne constitue plus une voie d’accès à la littérature, mais une profession en soi, ce qui contribue à consolider et légitimer le statut de femme journaliste.
La recherche témoigne de l’éloignement qui s’amorce entre le journalisme et la littérature. Cependant, les cinq journalistes ont été appelées à participer à des jurys littéraires, signe que leurs écrits leur conféraient tout de même une certaine autorité dans ce domaine.
La base de données composée de près de 3 500 articles rédigés par les cinq femmes journalistes constitue un legs majeur de cette recherche.