Cartographier la Movida : Redéfinir l’héritage culturel de l’Espagne post-autoritaire (1976-2019)

1. Résumé du projet

« Cartographier la Movida » est un projet numérique en lettre et sciences humaines qui visualise de façon critique plus de 300 pôles culturels et créatifs, réseaux et artistes collaborateurs de la Movida madrileña, une renaissance culturelle hédoniste inspirée du punk qui a émergé au cours de la première décennie de la démocratie espagnole (1976-1986).  Au cours des quatre dernières décennies, la Movida est devenue l’un des phénomènes culturels les plus théorisés, débattus et historicisés de la culture espagnole contemporaine. Prenant racine dans la recherche archivistique, l’analyse géospatiale et les théories queer et postcoloniales, ce projet examine et compare les représentations spatiales et culturelles de la Movida dans les périodiques populaires et clandestins, les textes littéraires, les publications savantes, les blogues et les sites Web commémoratifs. En interrogeant la relation mutualiste entre la formation du canon et l’espace dans l’héritage culturel de la Movida, ce projet génère des cadres de travail hors normes et spatiaux pour comprendre la culture historique espagnole actuelle. Malgré la diversité du tissu social de la Movida, la plupart des études à ce jour ont porté presque exclusivement sur un petit groupe d’artistes canoniques. Notamment, ces artistes, comme le cinéaste Pedro Almodóvar, le photographe Alberto García-­Alix et le poète Eduardo Ibars, ont tendance à être socialement favorisés, louangés par la critique et bien approvisionnés en subventions publiques, en temps d’antenne à la télévision et en espace muséal. De même, les lieux canonisés et les espaces culturels de la Movida sont principalement situés dans les quartiers centraux et aisés de Madrid. Ce projet fracasse ces frontières canoniques pour explorer l’écho de la Movida chez les artistes marginalisés qui ont réalisé leurs œuvres dans les salons de coiffure et les boutiques de vêtements des quartiers périphériques de Madrid. Au cours de mon étude préliminaire sur les périodiques cultes de la Movida, j’ai découvert plusieurs centaines de sites culturels et de nombreux artistes qui ne sont toujours pas représentés dans les publications savantes ni  dans les médias grand public, ce qui expose une importante lacune dans notre connaissance actuelle du mouvement. Ces premières constatations soulignent la nécessité de remettre en question la commémoration classique de la Movida et d’intégrer des artistes sous-représentés historiquement dans les archives culturelles du mouvement. « Cartographier la Movida » recense de nouveaux territoires culturels qui comprennent des lieux en périphérie, des quartiers à faible revenu ainsi que des artistes, des textes et des communautés associés à des groupes sous-représentés tels que les femmes, les personnes queers, la classe ouvrière et les Roms. Quarante ans après le mouvement, « Cartographier la Movida » redéfinit les archives culturelles de la Movida au profit des experts des études culturelles espagnoles, des mouvements non  conformistes et de l’histoire des queers et de celle des Roms, en prêtant attention aux artistes et aux lieux historiquement marginalisés.