Chercheuse : 
Lisa Stevenson

Établissement : 
Université McGill

Année de concours : 
2022-2023

À l’heure où le public est bombardé de rapports sur les conflits violents dans le monde, nous, universitaires, devons de toute urgence trouver un moyen de perturber ces manières éculées de «voir» et de comprendre la violence. Bien que les études en anthropologie de la violence ne manquent pas, ces travaux trouvent rarement une forme de représentation qui ne transforme pas l’expérience de la violence en faits et arguments discursifs ou, au contraire, qui ne succombe à une «pornographie de la violence». L’objectif de Faire image ; perturber la penséeest de développer et théoriser une forme de représentation visuelle qui soit à la fois cohérente avec la manière souvent imagée de vivre la violence, tout en questionnant nos récits habituels sur celle-ci. Avec le soutien d’une subvention de recherche-création des FRQSC, je cherche à exploiter le potentiel perturbateur de l’image filmique pour questionner les façons conventionnelles de penser, voir et communiquer la violence. L’objectif est de transmettre efficacement, non seulement les faits concrets d’une situation donnée, mais aussi la manière imagée de vivre et de se souvenir d’une situation violente, et de développer un langage théorique pour décrire ce qu’est une image, de sorte à mieux communiquer la complexité et l’ambivalence de l’expérience de la violence. Je pose ces questions : qu’est-ce qu’une image ? Comment pouvons-nous parler/performer/imaginer l’animisme de l’image ? Comment pouvons-nous penser la nécessité et l’éthique d’une image violente ? Les objectifs spécifiques sont les suivants : 1) Produire et diffuser le film Nadie Me Cree, un documentaire poétique sur les vies, rêves et histoires d’un groupe de réfugiés colombiens ayant traversé la frontière équatorienne pour échapper à la violence. En résistant à l’envie de présenter davantage de reportages sur la violence colombienne, et en nous entraînant plutôt dans l’imagination et les rêves d’un groupe de migrants colombiens, le film espère avoir un impact à un niveau plus profond, nous permettant de ressentir la force, la fragilité, l’humour et le désespoir des personnes qui traversent les frontières en Équateur et ailleurs dans le monde ; 2) Rédiger des articles et un volume édité sur les défis de représenter la violence parmi les migrants (Colombiens et autres) ; 3) Créer une communauté de pratique sur les questions formelles et théoriques de la violence et la fabrication d’images. Cette communauté comprendrait un·e doctorant·e financé·e par les FRQSC, des doctorant·e·s et postdocs de McGill, ainsi que des cinéastes et anthropologues montréalais de l’UdeM, l’UQAM et Concordia. La communauté de pratique sera créée par : a) des ateliers pour les réalisateurs de films ethnographiques au Critical Media Lab de McGill ; b) des ateliers dirigés par des étudiants pour les étudiants en recherche-création ; et, c) un séminaire de recherche avec des créateurs établis (performeurs, artistes visuels, créateurs de théâtre, etc.) intéressés à aborder théoriquement la question de la création d’images ; et enfin, 4) diffuser les résultats de nos projets de recherche-création aussi largement que possible via un site web, des festivals de cinéma et des conférences universitaires.