Chercheuse : 
Clausius, Katharina

Établissement : 
Université de Montréal

Année de concours : 
2021-2022

L’Autriche en 1920 subit trois évènements remarquables : la constitution nationale fut statuée ; son auteur, le juriste Hans Kelsen, publia son célèbre traité « La démocratie : sa nature, sa valeur ; » et le Festival de Salzbourg fut fondé dans la ville natale de Mozart à dessein de célébrer la tradition musicale autrichienne. Au fil des quinze prochaines années, la nouvelle nation se fraya péniblement le chemin politique à la fois pour identifier et définir ses nouvelles infrastructures démocratiques et pour établir des institutions culturelles protégeant l’iconographie historique autrichienne.

Mon projet adopte comme étude de cas la Première République Autrichienne (1919-1934) pour scruter la politique de la représentation culturelle dans le contexte de la démocratie émergeante. D’une part, la représentation correspond à une création esthétique et historique, à savoir la représentation des symboles culturels. De l’autre part, la représentation constitue une médiatisation politique dont la forme varie selon un régime démocratique, parlementaire, présidentialiste, monarchique, fédéraliste, etc. L’identité nationale de l’entre-deux-guerres se mira dans l’iconographie musicale mozartienne et fait valoir le rôle décisif joué par la propagande culturelle dans le contexte de ces premières expérimentations démocratiques. À plusieurs égards, la biographie ainsi que l’?uvre et les collaborateurs de Mozart renvoient aux crises politiques de la nouvelle nation autrichienne. Les controverses autour de l’identité nationale et de la religion furent concentrées dans le compositeur à la fois germanophone et cosmopolite dont les œuvres les plus reconnues proviennent d’un collaborateur juif converti, Lorenzo da Ponte. Quoique la forte politisation de Mozart par rapport à l’appropriation culturelle des austro fascistes et les nazis de 1934-45 soit récemment établie, la période précédant l’époque fasciste reste inexplorée. Néanmoins, la confluence de la représentation culturelle et des débats autour de la démocratie nous est très pertinente.

Ma recherche se situe au carrefour de deux domaines : 1. la musique et la politique, un champ d’études qui se livre à la science politique très rarement ; 2. la politique de l’esthétique, un domaine devenu indispensable dans les sciences humaines surtout grâce à des théoricien.ne.s comme Chantal Mouffe et Jacques Rancière.

Le premier stade du projet comprend le rassemblement d’une documentation exhaustive dans les archives afin d’établir le trajet de l’identité démocratique autrichienne à travers des politiques culturelles et de l’État. Le deuxième stade met en valeur l’exemple historique de l’Autriche à l’aide des débats actuels concernant la « post-politique. » Parmi d’autres, Mouffe et Rancière proposent en premier lieu de réexaminer la pensée politique de l’entre-deux-guerres (y compris celle de Carl Schmitt, l’adversaire fasciste de Kelsen) ; ces premiers proposent en dernier lieu de repenser l’émancipation et l’égalité démocratique à travers les pratiques culturelles et esthétiques.