Responsable : 
Romain Lecler

Établissement : 
Université du Québec à Montréal (UQAM)

Année de concours : 
2020-2021

Table des matières

  1. Résumé du projet

1. Résumé du projet

Comment concilier de nombreux postes à l’étranger et une vie de couple ou des responsabilités familiales ? C’est la question que doivent résoudre tous les diplomates de carrière puisque l’essentiel de leur vie professionnelle se déroule à l’étranger. Or le modèle patriarcal d’expatriation masculine, qui réglait traditionnellement la question en sélectionnant des hommes diplomates suivis par leur famille, est désormais remis en cause dans de nombreux pays du monde. Il est en effet fragilisé par la féminisation du corps des diplomates, par la reconnaissance des couples de même sexe, et plus généralement par le refus des conjoints de renoncer à leur propre carrière en les accompagnant à l’étranger. Dans mon projet, je propose d’étudier comment les diplomates et leurs États s’adaptent à ces évolutions sociologiques.

Je veux d’abord vérifier si on constate effectivement une difficulté croissante chez les diplomates à concilier carrière et vie privée, et si cette difficulté pèse davantage sur les femmes et les homosexuels. Je compte ensuite comparer la manière dont différents pays expérimentent et prennent en charge ce problème. J’analyserai notamment les différences entre ceux qui adhèrent plus ou moins à l’égalité de genre, et ceux qui comptent plus ou moins dans les relations internationales (soit 4 groupes de pays).
Je propose de réaliser mon enquête à l’ONU à New York car c’est l’institution qui accueille le plus de diplomates de carrière au monde (plusieurs milliers) et cela me donne un cadre unique de comparaison entre différents pays. Je rencontrerai 60 diplomates (30 femmes et 30 hommes, dont 10 homosexuels, à des étapes variées de leur carrière) afin de les interroger sur leur parcours professionnels et privés. Je sélectionnerai 15 diplomates pour chacun des 4 groupes de pays étudiés. De façon qualitative, mon projet vise à reconstituer finement la carrière et la trajectoire familiale des diplomates, dans une perspective processuelle et comparative. Je propose donc de recourir à la méthode des entrevues biographiques en interrogeant ces diplomates sur les moments où ils ont dû effectuer des compromis ou bien se résoudre à des renoncements professionnels ou familiaux, et sur la manière dont leurs administrations les ont alors ou non soutenus.

Mon projet combine ainsi trois courants de littérature très rarement rapprochés : la sociologie de la famille, notamment les travaux sur le modèle patriarcal d’expatriation masculine ; les études des pratiques des diplomates, qui ont réhabilité, au sein de l’analyse de l’activité diplomatique, l’étude des agents de la diplomatie, même s’ils ont laissé dans l’ombre leurs pratiques privées ; et les études de genre en relations internationales, qui insistent sur les inégalités hommes/femmes mais se concentrent uniquement sur les femmes. Mon projet apporte une contribution originale à l’analyse des relations internationales. Acteurs canoniques pour cette discipline, les diplomates n’ont pourtant jamais été étudiés sous l’angle de leur vie privée alors que cette dernière semble poser de plus en plus difficulté et que les réponses des États à ce problème varient, révélant différents positionnements diplomatiques par rapport aux questions de genre ou aux enjeux internationaux.