Responsable :
Ignace Ndongala Maduku
Établissement :
Université de Montréal
Année de concours :
2020-2021
Table des matières
1. Résumé du projet
Les abus sexuels du clergé de l’Église catholique me suggèrent un questionnement qualitatif qui articule les objets « religion », « masculinité », « sexualité » et « pouvoir ». La recherche proposée porte sur les représentations de la masculinité qui ordonnent le discours et les pratiques sexuelles des prêtres. Le point de vue des prêtres sur leur sexualité est un champ pour lequel nous disposons encore de très peu d’études empiriques. Au regard des difficultés de faisabilité, les auteurs s’abstiennent de recourir aux méthodes qualitatives, la sexualité étant comme le dit Elias « le domaine le plus privé de la vie privée »(Elias, 1973).
Compte tenu de l’absence relative des travaux sur la question, l’originalité de cette recherche est de mettre en lumière et d’analyser la compréhension de soi des prêtres montréalais, leur approche de l’altérité, leur perception de la masculinité et leur posture vis-à-vis des abus sexuels sur mineurs.
L’importance théorique de la recherche réside dans l’investigation d’un sujet peu traité de manière empirique dans les sciences religieuses. Aussi, sur le plan du cadre théorique, il s’agit de contribuer à construire le savoir sur les abus sexuels sur mineurs à partir des masculinités sacerdotales. Plus spécifiquement, l’angle choisi pour aborder ce sujet (les sciences des religions) et la méthodologie appliquée à l’objet de la recherche (l’ethnographie) permettent de documenter les représentations de la masculinité dans le domaine de la sexualité et de dégager les profils qui émergent des masculinités sacerdotales en vogue au diocèse de Montréal. Trois questions spécifiques portant sur les rapports de pouvoir au fondement de la masculinité retiennent l’attention : quel lien existe-t-il entre la sociabilité cléricale promue par l’entremise d’un genre masculin sacerdotal et les abus sexuels ? Quelles sont les incidences pratiques de la masculinité hégémonique de type sacerdotal ? Quel regard les prêtres portent-ils sur la gestion du corps, sur les expressions qui expriment et garantissent la normalité sexuelle définie par leur religion ?
L’approche compréhensive que je privilégie analyse la réception des prescrits doctrinaux par les prêtres, en contexte de modernité avancée. La construction d’une intersection entre les discours magistériels et les études ethnographiques apparaît ici particulièrement fructueuse. Il s’agit de comprendre les écarts entre normes religieuses et pratiques sexuelles, valeurs proclamées par le magistère et valeurs effectivement vécues par les prêtres. Dans cette ligne, cette recherche opte pour une méthode qualitative qui procède par une enquête auto-administrée transmise par courrier et élargie à l’ensemble des prêtres montréalais (Québécois, notamment issus de l’immigration). Les entrevues seront complétées par l’observation participante, l’enquête par téléphone auprès d’une sélection d’entre les enquêtés, l’analyse du corpus des documents de l’Eglise catholique, des documents de la presse, et l’étude du positionnement des milieux associatifs.
Étudier le rapport entre la masculinité sacerdotale et les représentations des prêtres sur les abus sexuels sur mineurs en diversifiant l’échantillon permet de vérifier l’influence des facteurs socioculturels et des modèles culturels sur les représentations des prêtres, et d’établir des interconnexions entre origines culturelles, appartenance ethno-raciale, cultures sexuelles et comportements sexuels.