Le sable, une ressource planétaire abondante et gratuite? Pas vraiment… Depuis 10 à 15 ans, 75 à 90 % des plages dans le monde ont disparu en raison de la surexploitation de cette matière. Pourtant, les indicateurs environnementaux utilisés dans l’analyse du cycle de vie ne traduisent pas cette réalité : ils donnent à penser que les stocks de sable dépassent largement nos besoins et qu’en consommer en grande quantité n’a donc aucun impact.
Les travaux de Cécile Bulle, professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM et cotitulaire de la Chaire internationale sur le cycle de vie du CIRAIG, et de son étudiante, Camille Chabas, montrent toutefois que si on ne change pas certaines habitudes, la planète aura épuisé ses stocks de sable dans 95 ans.
Le sable est en effet la deuxième ressource la plus utilisée par l’homme, après l’eau. Les résultats obtenus par la professeure Bulle indiquent qu’il y a une concurrence féroce autour de l’exploitation de cette matière, utilisée majoritairement pour faire du béton. Le hic, c’est que le sable du désert – disponible en grande quantité – est trop fin et trop rond pour être transformé en béton. Les producteurs utilisent donc le sable des rivières et de la mer, et tout le monde exploite ces mêmes stocks, qui diminuent rapidement.
La chercheuse et son étudiante ont intégré ces différents usages et les propriétés du sable dans un modèle préalablement développé par leur laboratoire pour analyser les fonctionnalités et l’épuisement des ressources naturelles. Elles ont dû utiliser une estimation des stocks de sable terrestre, marin et industriel, pour lesquels il existe très peu de données précises. Elles ont aussi incorporé des paramètres comme la taille des grains de sable et les propriétés chimiques recherchées par les différents utilisateurs.
Actuellement, Cécile Bulle et des collègues français sont en train de raffiner le modèle afin de pouvoir l’adapter à l’analyse du cycle de vie de différents produits à l’échelle locale – les ponts, et les routes, par exemple.
La professeure Bulle espère que le modèle amènera ultimement les utilisateurs à tenir compte de l’enjeu de l’épuisement du sable afin d’éviter de vider les stocks planétaires.