Au Québec, on compte 150 000 enfants nés d’un parent atteint de schizophrénie, de maladie bipolaire ou de dépression majeure. En plus des difficultés à cohabiter avec un parent malade, ces enfants vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : ils ont 20 fois plus de risque de développer la même maladie à l’âge adulte. Y a-t-il des signes qui permettraient de cibler ces enfants à risque avant que les premiers symptômes de la maladie ne surviennent? Le psychiatre et chercheur à la Faculté de médecine de l’Université Laval, Michel Maziade, s’est entouré d’une équipe interdisciplinaire et intersectorielle afin de comprendre l’effet de la qualité des soins reçus par ces enfants nés d’un parent atteint sur leur trajectoire longitudinale de risque. En effet, ils souhaitent sortir des sentiers battus en privilégiant la prévention plutôt que le modèle curatif actuel.

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Grâce à un financement AUDACE, des chercheurs psychiatres et psychologues de même qu’en opération et en système décisionnel et en économie de la santé mentale ont uni leurs forces à celles de biostatisticiens et de neuropsychologues.

Ils ont analysé les données provenant de trois sources pour comprendre comment les soins de santé pouvaient influencer la trajectoire de ces enfants : des données de recherche longitudinales sur 30 ans, celles de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ainsi que les données issues du programme clinique HoPE (Horizon Parent-Enfant).

Ce programme innovant offre maintenant un accompagnement personnalisé aux familles aux prises avec une des trois maladies psychiatriques. C’est de ce programme qu’est né le rôle d’infirmière-navigatrice qui suit les familles, parent affecté et enfants, de façon continue, en les aidant à naviguer dans le système de santé pour leurs besoins. On en compte maintenant un certain nombre dans la région de Québec qui soutiennent quelques centaines de familles.

À partir d’un échantillon préliminaire, ils ont montré qu’en prenant en charge les enfants et la famille au bon moment, cela améliorait l’état actuel et futur des maladies psychiatriques jusqu’à l’âge adulte. Cela ne dépendait pas tant de la quantité de services reçus, mais bien du fait qu’ils étaient octroyés au moment opportun selon les problèmes de l’enfant. Mais impossible pour l’instant de fixer en général un âge ou une période précise puisque la fenêtre d’intervention idéale diffère pour chaque enfant. Cette découverte remet partiellement en jeu la croyance « plus on agit tôt, mieux cela sera pour l’enfant en difficulté ».

Le psychiatre Michel Maziade invite cependant les parents et les professionnels de la santé à rester à l’affût de certains signes qui peuvent donner un indice que la maladie progresse chez un enfant. Par exemple, un préadolescent qui décline dans son fonctionnement, qui présente de nouveaux problèmes de comportement ou des difficultés d’apprentissage devrait être surveillé de plus près par le médecin de famille.

Le suivi par le psychiatre des parents affectés par la maladie serait d’ailleurs une opportunité pour s’assurer d’un suivi avec les enfants. En agissant en prévention, on pourrait retarder l’apparition de la maladie ou en diminuer sa gravité. « Si on réussit par exemple à ce que le premier épisode de schizophrénie survienne à 24 ans au lieu de 14 ans, c’est énorme. Si on parvient à ce que la maladie soit moins grave et qu’un adolescent puisse continuer d’étudier, c’est une grande victoire », constate Dr Maziade, qui est aussi directeur fondateur du Centre de recherche CERVO.

Des études précédentes ont déjà identifié des indicateurs de dysfonction du cerveau qui permettent de déterminer lequel ou lesquels des enfants d’un parent atteint ont davantage de risques de développer la maladie. Michel Maziade a bon espoir qu’en combinant ces marqueurs de risque avec la trajectoire des services offerts, la maladie pourrait ne jamais apparaître, même chez des enfants à haut risque. Certes, en plus d’améliorer la qualité de vie de ces petits patients, l’impact économique sur le système de santé est réel. Comme il n’existe aucun traitement curatif, les patients ont besoin de soins pour le restant de leurs jours.

Si on réussit par exemple à ce que le premier épisode de schizophrénie survienne à 24 ans au lieu de 14 ans, c’est énorme. Si on parvient à ce que la maladie soit moins grave et qu’un adolescent puisse continuer d’étudier, c’est une grande victoire.

Dr Michel Maziade, directeur fondateur du Centre de recherche CERVO

Quelques chiffres clés :

4% de la population

La maladie bipolaire, la schizophrénie et la dépression majeure affectent cette proportion de la population, ce qui représente 350 000 patients au Québec.

9%

Coûts totaux en santé qui sont attribuables à la maladie bipolaire, la schizophrénie et la dépression majeure.

50%

Proportion des enfants de parents atteints qui ont des problèmes de développement ou de comportement.

Dans 75% des cas

Les premiers symptômes de maladie psychiatrique surviennent avant 22 ans.

Dr Michel Maziade
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Les travaux du Dr Maziade reconnus à l’échelle nationale

En novembre 2023, les instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont publié leur plus récent rapport d’évaluation du programme de soutien opérationnel (PSO), dont l’objectif consiste à fournir des conclusions éclairées, exploitables et valides en matière de rendement. La subvention qui a été accordée au Dr Michel Maziade constitue un cas exemplaire qui a donné lieu à un nombre élevé de résultats dans les cinq catégories d’impact de l’Académie canadienne des sciences de la santé (2009), soit l’avancement des connaissances; le renforcement des infrastructures; le soutien à la prise de décisions éclairées; l’impact sur la santé; et l’impact socio‐économique, lui permettant de s’illustrer parmi les 8 chercheurs canadiens ayant un impact élevé.

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